Le 20 décembre 2017 | Mis à jour le 3 juillet 2018

Design à Nantes : les meubles de la villa d’Eileen Gray mis aux enchères

par Diane Zorzi

[Mise à jour du 18 décembre 2017 : le meuble carré à plateaux a été adjugé 105 000 euros, tandis qu’il fallait compter 48 000 euros pour la console demi-lune, 6 200 euros pour l’égouttoir à assiettes et 6 000 euros pour chacun des blocs à tiroirs. Les appliques cylindriques ont quant à elles survolé leurs estimations en étant adjugées respectivement 14 000, 15 000 et 16 000 euros.] Un ensemble mobilier pensé, fabriqué et utilisé par la célèbre architecte et designer irlandaise Eileen Gray (1878-1976) sera mis aux enchères par Maîtres Philippe Kaczorowski et Pascal Bego samedi 16 décembre 2017 à Nantes et sur le Live d’Interencheres. Restées jusqu’alors dans sa villa azuréenne, ces dix pièces mythiques estimées entre 5 000 et 180 000 euros témoignent du style minimaliste et moderne caractéristique de sa production des années 1930.

 

 

Des meubles utilisés par Eileen Gray

L’égouttoir à assiettes de sa cuisine, la console de sa salle à manger, l’applique de sa salle de bain, le meuble à caissons de sa chambre, le chiffonnier de son salon : le mobilier mis en vente samedi 16 décembre à Nantes invite à pénétrer de pièces en pièces l’intérieur d’Eileen Gray. « Il meublait jusqu’alors la villa Tempe a Pailla que cette icône du modernisme, installée en France, conçut sur la route de Castellar, sur les hauteurs de Menton, à partir de 1931, explique Maître Pascal Bego qui dirigera les enchères. Ce mobilier avait été vendu avec la maison en 1954 à un particulier. »

 

Parfaitement intégrés à cet espace dédié à la réflexion et au travail, les meubles furent pensés, fabriqués et utilisés par Eileen Gray elle-même.

 

 

 

Des pièces fonctionnelles

Ces meubles se caractérisent par leur aspect pratique et fonctionnel. « Ils sont sobres, sans fioriture ou décoration, et marquent un retour à l’utile, au concept pur, détaille Côme Remy, expert en arts décoratifs du XXe siècle. Prenez le meuble carré en bois laqué blanc pourvu de caissons, estimé entre 120 000 et 180 000 euros. Il s’ouvre par deux colonnes de trois tiroirs à plateaux, superposés et pivotants, qui sont ultra fonctionnels, et dont les fonds vitrés sont très astucieux. Ces meubles s’adaptent aux gestes du quotidien. »  Réalisés entre 1933 et 1934, ils témoignent de la rupture qu’entreprend la designer avec ses premières créations. « Lors de sa toute première exposition en 1913, elle présenta des pièces laquées et décorées dans un goût Art déco. » Mais à partir des années 1920, elle épouse l’esprit nouveau initié par les membres de l’école allemande du Bauhaus et ceux du mouvement néerlandais De Stijl.

 

 

 

Des icônes du modernisme

Suivant les pères du modernisme tels Marcel Breuer qui invente en 1925 sa chaise Wassily, Eileen Gray adopte alors un mobilier minimaliste, privilégiant une structure en acier tubulaire, comme en témoignent son meuble à plateau et sa console demi-lune. Avec Robert Mallet-Stevens, Jean Prouvé, ou encore Pierre Chareau, Eileen Gray participe à la création en mai 1929 de l’Union des Artistes Modernes. « Cette association qui marque le début du modernisme avait d’abord une vocation sociale. » Lors de l’exposition inaugurale qui se tint au Musée des Arts Décoratifs en juin-juillet 1930, les artistes proposaient ainsi des objets à des prix abordables, avec des formes et des structures censées améliorer les conditions de vie.

 

 

Un ameublement sur-mesure

« Mais bien qu’elle soit devenue l’une des icônes du modernisme, Eileen Gray est restée indépendante et a toujours refusé d’intégrer un quelconque mouvement. » Elle n’a jamais voulu s’adonner à une production de masse. « Elle n’a créé que pour elle et ses connaissances. » Ainsi, ses meubles sont dessinés avec soin, en fonction de leur lieu de destination, à l’instar des pièces mises en vente qu’elle conçut sur-mesure, pour répondre à ses besoins personnels. « Eileen Gray souhaitait une maison pratique et à sa mesure, avec des meubles parfaitement intégrés à l’architecture et à l’aménagement intérieur. A titre d’exemple, la console demi-lune s’adaptait parfaitement à la taille de la table à déjeuner, placée juste à côté d’elle. De même, tous les angles des pièces mobilières ont été réfléchis en fonction de l’espace environnant. Tout a été pensé au millimètre près. » Ainsi, pour ces pièces uniques, il faudra compter entre 5 000 et 8 000 euros pour une applique, entre 8 000 et 12 000 euros pour un égouttoir à assiettes et jusqu’à 180 000 euros pour un meuble en caisson. « Les meubles modernistes d’Eileen Gray passionnent les collectionneurs du monde entier qui n’hésitent pas à pousser les enchères à des prix records, conclut l’expert. Mais le mobilier de cette villa est d’autant plus intéressant, qu’il a véritablement côtoyé cette figure majeure de l’art du XXe siècle. »

 

 

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