Le 10 décembre 2021 | Mis à jour le 10 décembre 2021
Gilles Ouaki, 50 ans de collection d’art contemporain et design
par Diane Zorzi
Le 19 décembre à Enghien-les-Bains, Isabelle Goxe et Laurent Belaïsch retraceront le temps d’une vente aux enchères les mille et une vies de Gilles Ouaki. Ce photographe talentueux fut tour à tour grand reporter au Parisien et Paris Match, collectionneur d’art contemporain et design, artiste plasticien et curateur.
Dès son plus jeune âge, Gilles Ouaki (né en 1944) manie avec talent l’appareil photographique. A 13 ans, alors qu’il vient de quitter sa Tunisie natale pour rejoindre la France avec sa famille, il remporte un concours Kodak grâce à une prise de vue audacieuse, donnant à voir les vitrines de Noël des Galeries Lafayette, assaillies par les badauds. La photographie occupera désormais son quotidien, alors qu’il devient grand reporter au Parisien et à Paris Match. Pendant plus de trente ans, Gilles Ouaki couvre les grands événements et faits divers, de l’Affaire Grégory à la mort de Mesrine ou l’attentat de la rue des Rosiers, reportage pour lequel il remporte le Grand prix de la Ville de Paris et celui de Paris Match en 1982. Féru d’art, il entame bientôt une collection, rassemblant des peintures, sculptures ou photographies contemporaines, avant d’emprunter à son tour l’habit de plasticien. Autant d’activités fécondes relatées le temps de la vente aux enchères « Gilles Ouaki, 50 ans de collection d’art contemporain et design », organisée le 19 décembre à Enghien-les-Bains et en live sur Interencheres.
Un grand reporter passionné d’art contemporain et design
En tant que grand reporter, Gilles Ouaki couvre autant les affaires criminelles que la vie culturelle de son époque. Il suit ainsi les célébrités, à l’instar de David Bowie, Alain Prost, Yannick Noah et Serge Gainsbourg, dont il immortalise la vie intime – Noah chez le coiffeur (1 000 – 1 500 euros), Gainsbourg se rasant ou fumant une cigarette dans sa bibliothèque (1 000 – 2 000 euros).
En privé, il collectionne des pièces de designers – un bureau en formica de Jean Prouvé (6 000 – 8 000 euros), une paire de fauteuils bleus « Mushroom » de Pierre Paulin (3 000 – 4 000 euros), quatre chaises de Gaetano Pesce (1 600 – 1 800 euros), une lampe « Taccia » des frères Castiglioni – et les œuvres des artistes de son temps tels qu’Andy Warhol, Gerald Laing, Antonio Segui, Gérard Fromanger, Asger Jorn, William Klein ou encore le pop artiste français Robert Malaval. « Son admiration pour ce peintre, mort très jeune, se ressent à travers les œuvres présentées, avec notamment le rarissime et muséal aliment blanc Olida 1 Olida 2, les paillettes et les œuvres sur papier », détaillent les commissaires-priseurs Isabelle Goxe et Laurent Belaïsch.
Gérard Fromanger (1939-2021). Série de silhouettes, boulevard des Italiens. Tôles laquées rouges, signées et datées 1971-2010. Silhouettes vendues à l’unité (avec faculté de réunion), avec des estimations de 5 000 à 7 000 euros.
Un photographe, artiste plasticien et curateur
Dans les années 2000, Gilles Ouaki embrasse à son tour une carrière artistique en tant que plasticien, aidé par Robert Combas avec qui il collabore. « Il côtoie de nombreux artistes et met en pratique le foisonnement de ses idées qui débouchent sur l’invention de l’“hybridation collaborative”, processus durant lequel le travail de chacun des deux artistes sert de support à l’autre pour mettre en valeur une expression commune, fruit du dialogue de deux sensibilités », expliquent les commissaires-priseurs. De ces collaborations, la vente dévoile un florilège avec le Danseur au canon, un prototype en bois pour un modèle en résine de Robert Combas (20 000 – 30 000 euros), Poussières d’artiste, un paillasson sur lequel le peintre Erro s’est essuyé les pieds pour y laisser son ADN (4 000 – 5 000 euros), ou encore « Bye Bye Polaroïd », onze photographies réalisées avec Orlan.
En 2010, il s’improvise également curateur du Grand Pari(s) de l’Art Contemporain dans le Val d’Oise, un événement dont la vente témoigne à travers une affiche de Gérard Fromanger donnant à voir un portrait du grand reporter traité tel un électrocardiogramme au gré de lignes colorées. « Gilles Ouaki nous livre également plusieurs œuvres de sa série I lock you, pour laquelle il sauve de l’oubli en sublimant l’intensité émotionnelle des cadenas des amoureux du Pont des Arts à Paris, ainsi que ses RedRum ou Vanitas Vanitatum, œuvres dans lesquelles il détourne ses propres photos de meurtres ou montre la vanité de la vie, parfois hybridées avec d’autres artistes. » Au fil de la vente, les enchérisseurs suivront enfin ses pérégrinations à Cuba, au Maroc, en Turquie, au Radjasthan ou au Sri Lanka, et découvriront une part plus intime de cet homme prolifique, à travers notamment le diptyque Little Big Horn, réalisé « en souvenir des mémorables bagarres avec [son] frère » (4 000 – 5 000 euros).
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