La correspondance d’Antony Thouret, un ami de Victor Hugo et témoin privilégié de l’Histoire de France
Le 16 octobre à Vannes, Jack-Philippe Ruellan dispersera une collection exceptionnelle de lettres manuscrites issues de la correspondance d’Antony Thouret, un journaliste, écrivain et homme politique, proche de Victor Hugo et témoin de moments clés de l’Histoire de France.
« Dès 1829, Antony Thouret échange avec Victor Hugo et les siens une correspondance qui dit tout d’une époque, de sa violence politique et d’une amitié », explique Jack-Philippe Ruellan qui dispersera le 16 octobre à Vannes et en live sur Interencheres une collection exceptionnelle de lettres manuscrites issues de la correspondance d’Antony Thouret (1806-1871), un écrivain, journaliste et député qui prit part activement à la vie politique, de la Monarchie de Juillet au Second Empire.
Une lettre autographe d’Adolphe Thiers à Victor Hugo
Né en Espagne, sous le règne de Joseph 1er, Antony Touret grandit à Douai et embrasse une carrière d’avocat, avant de se tourner vers le journalisme et de prendre part à la vie politique, rejoignant, au lendemain des Trois Glorieuses, le mouvement des patriotes contre les troupes de Charles X. « Il se lie d’amitié avec le grand Victor Hugo et crée des journaux d’opinion comme La Révolution de 1830, dénonçant ouvertement la Monarchie de Juillet », poursuit le commissaire-priseur. Sa verve révolutionnaire lui vaut un séjour à la prison de La Force pour délit de presse. Alors qu’il lui rend visite, Victor Hugo sollicite Adolphe Thiers afin que son ami soit transféré à la prison de Douai, ainsi qu’en témoigne une lettre autographe adressée par Thiers à Victor Hugo le 31 juillet 1833 : « Monsieur, L’ordre que vous sollicitez en faveur de M. Antony Thouret avait été donné depuis plusieurs jours. M. Thouret sera placé dans la prison qui le rapprochera le plus de sa famille. Il n’est aucunement dans mon intention, ni dans celle du gouvernement d’ajouter aux rigueurs des lois. Je ne puis pas dire comme vous, Monsieur, que je n’appartiens à aucun parti. Je sers avec chaleur et j’ai toujours servi, celui de la monarchie, telle que vos modernes lois l’ont faite. L’esprit dans le gouvernement est la modération. »
Une correspondance intime avec la famille Hugo
A sa sortie de prison, Antony Thouret fréquente régulièrement la famille Hugo, entretenant une correspondance avec le petit Charles et sa sœur Léopoldine. « Vous m’avez accusée de vous avoir oublié. Je crains que vous ne changiez pas d’opinion sur la légèreté dont me croyez coupable. Aussi, m’empressais de vous assurer que mon amitié est toujours la même… », écrit la jeune adolescente qui inspira à Victor Hugo l’un de ses poèmes les plus célèbres, Demain, dès l’aube.
En 1848, Victor Hugo renouvelle son soutien à Antony Thouret alors qu’il est accablé de critiques à l’Assemblée Constituante, au lendemain de la proclamation de la deuxième République. Son passage à la tribune inspire à Hugo un dessin à l’encre de Chine (estimé entre 6 000 et 8 000 euros), donnant à voir le député dont le gabarit imposant fit le bonheur des caricaturistes. « A l’Assemblée, où il a été élu, il s’interpose pour protéger Lamartine, le Président, qui a soutenu sa candidature. Les calomnies vont bon train. Heureusement, les témoignages de soutien affluent », explique Jack-Philippe Ruellan. « Nous sommes dans un tourbillon qui emporte hommes et choses, faits et idées, bien et mal, huée et acclamations pêle-mêle. Mais je sais que justice vous sera rendue, si ce n’est pas le gouvernement, du moins par le pays », lui écrit l’auteur de Choses vues après la Révolution de Février.
Antony Thouret se confie conjointement à Adèle Hugo à qui il livre, dans une lettre émouvante, ses « souffrances politiques, physiques et morales », devant « cette orgie parlementaire ». Quelques mois plus tard, dans une lettre datée du 18 novembre 1848, la vicomtesse Adèle Hugo lui reprochera néanmoins sa tentative d’interdire le territoire français aux Bourbons et Orléans : « L’exclusion que vous avez demandée récemment m’a été moins sympathique cette fois, votre nature généreuse a été en désaccord avec la mienne ».
L’Histoire de France, vécue de l’intérieur
De la Monarchie de Juillet au Second Empire, Antony Thouret aura prit part activement à la vie politique. Après le Coup d’Etat de 1851, qui conduira à l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte, il s’exile finalement en Suisse, avant de finir ses jours à Douai. « La correspondance mise en vente constitue une version intime de l’Histoire de France vécue de l’intérieur par un acteur et témoin de premier plan », s’enthousiasme Jack-Philippe Ruellan. La collection comprend également des lettres de personnalités emblématiques du XIXe siècle, à l’instar de Chateaubriand et Alexandre Dumas. Elle compte enfin un document manuscrit exceptionnel, l’acte d’abdication de Louis-Philippe, qui, s’il a été retiré de la vente, suite à une procédure de revendication formulée par le Service interministériel des Archives de France, confirme la place de premier plan qu’occupa Antony Thouret tout au long du XIXe siècle.