
Le clavecin de Claude Labrèche classé monument historique aux enchères à Vichy
Un rare clavecin de l’énigmatique facteur Claude Labrèche sera vendu aux enchères le 4 novembre par la maison Vichy Enchères. Classé monument historique, cet instrument exceptionnel du XVIIe siècle incarne les plus belles heures de la facture de clavecins.
Si l’on sait aujourd’hui que Claude Labrèche (1642-1711) était facteur de clavecins, cela ne tient qu’à peu d’éléments. Pour ainsi dire deux, dont un acte de partage de ses biens entre ses deux fils et un instrument, un clavecin conçu en 1699. Ce dernier, conservé entre les mains de la même famille nobiliaire depuis le XVIIIe siècle, est l’unique exemplaire à avoir été signé de la main de l’artiste, preuve de sa facture aboutie et de la fierté qu’il inspira à son créateur. Son étude approfondie, menée par le spécialiste Michel Foussard, est à l’origine de l’attribution d’un deuxième exemplaire connu de l’artiste, un clavecin de 1680, considéré comme l’un des plus importants de la facture française du XVIIe siècle. Preuve, s’il en fallait, de l’importance historique du modèle de 1699 qui sera proposé pour la première fois à la vente, le 4 novembre par la maison Vichy Enchères. Classé monument historique, cet exemplaire rarissime a également fait l’objet d’une expertise des plus minutieuses par Christopher Clarke, Maître d’art en instruments anciens à claviers.

Détail du mécanisme interne du clavecin.
Claude Labrèche, un facteur de clavecins méconnu
Claude Labrèche aurait eu deux vies. L’une, à Riez, est documentée ; il s’y rend à partir de 1685 et y mène une vie de « Mestre Menuisier Sculpteur » talentueux et proche de l’Église, pour laquelle il construit un tabernacle et un orgue, et restaure la charpente de la Cathédrale. L’autre, à Carpentras, est plus énigmatique ; il y serait devenu l’un des plus grands facteurs de clavecins de l’époque, alors qu’il était employé comme professeur de violon et qu’il était membre d’une formation instrumentale pour la paroisse. Le clavecin de 1699, véritable trésor technique et artistique, témoigne de ces deux vies, alliant une maîtrise parfaite du travail du bois, un goût certain pour la musique et une attention particulière portée au décor pictural.

Détail de la peinture à l’huile sur le couvercle figurant Apollon et les muses dans un condensé des pratiques musicales du XVIIe siècle.
Un trésor comtadin demeuré intact
Conservé au sein de la même famille depuis le XVIIIe siècle, le clavecin de 1699 demeurait dans la région de Vaison-la-Romaine, au cœur du comtat Venaissin, jusqu’à son déplacement dans les années 1960, dans la région de Nice. Un élément qui explique son très bel état de conservation et de fonctionnement. Soucieuse de sa préservation, sa propriétaire actuelle est d’ailleurs à l’origine de son classement au titre des Monuments Historiques qui a permis non seulement la restauration de ses décors à la peinture à l’huile par Roger Carli, peintre-restaurateur agréé par les musées de France, mais aussi son étude approfondie par Michel Foussard et Philippe Fretigné. Tous deux s’accordent sur sa place majeure dans l’Histoire de la facture d’instruments régionaux. Ils ont mis en évidence la présence d’une signature sur la première et dernière touche du clavier bas, avant de mettre en lumière des similitudes avec l’instrument de Stuttgart de 1680, depuis attribué à Claude Labrèche.

En haut : Double clavier comprenant 50 notes offrant une étendue allant de l’octave courte au Sol grave. En bas : Signature « fait à Carpentras par Claude Labrèche en 1699 » sur la dernière touche du clavier inférieur.
Un clavecin à la croisée des influences européennes
Instrument à cordes pincées, descendant de l’épinette et du virginal, le clavecin connaît, à partir du XVIe siècle, un essor en Italie, avant d’être adopté en France au XVIIe siècle, où il devient un symbole de l’Ancien Régime et fait l’objet de nombreuses factures très poussées, dont de rares exemples sont arrivés jusqu’à nous en bon état. Ces productions, empreintes du style baroque de l’époque, sont un symbole de l’excellence du savoir-faire français. Maître en la matière, Claude Labrèche élabore une caisse « à l’italienne » en sapin et noyer, une association qui offre à l’instrument un timbre distinctif et une grande robustesse, et dote l’ensemble d’un riche décor. D’une touche affirmée, il nous livre ici une célébration de la musique, évoquant tour à tour les scènes de danse champêtre des Flamands ou celles des Maniéristes italiens, ainsi que les motifs ornementaux de « cuirs découpés » inventés par Rosso Fiorentino pour le château de Fontainebleau. Plus qu’un témoignage d’un savoir-faire régional, nous sommes bien là en présence d’un instrument de qualité muséale, évoquant à lui seul l’excellence des facteurs européens.
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En haut : La partie peinte du couvercle et de l’abattant. En bas : Détail de la peinture à l’huile sur l’abattant figurant une scène de danse champêtre dans un motif ornemental de cuirs découpés et de couronnes de fleurs.