
Le souvenir en miniature d’un prisonnier durant la Terreur aux enchères à Vichy
Découverte dans une propriété près d’Artois, dans le Jura, une miniature exceptionnelle de François Nicolas Mouchet sera vendue aux enchères le 19 août à Vichy. Exécutée autour de 1793-1794, durant la Terreur, elle donne à voir le portrait d’un détenu que côtoya l’artiste durant son séjour à la prison de La Force en 1792.
Avant que la photographie ne conserve les traits en mémoire, les visages se fixaient en peinture et, pour le plus grand nombre, en miniature… Cet art, réservé jusqu’alors à une élite, infuse plus largement la société alors que s’épanouie la Révolution. Exécutée tour à tour sur papier, huile, vélin, cuivre, ivoire ou porcelaine, la miniature offre à son commanditaire un témoignage précieux d’un être cher, absent ou défunt. C’est ainsi que, sous la Terreur, le miniaturiste François Nicolas Mouchet (1749-1814) livre son autoportrait et les portraits de détenus avec qui il partage son incarcération à la prison de La Force. Devant la menace d’une mort imminente, les protagonistes laissent, avec ces peintures, un souvenir à leur famille. « C’est à cette production particulièrement rare qu’appartient notre portrait découvert dans le Jura », explique l’experte Natalie Lemoine-Bouchard qui, avec les commissaires-priseurs de Vichy Enchères, a mis au jour une miniature exceptionnelle de François Nicolas Mouchet représentant un prisonnier durant la Révolution. Elle rejoint le corpus comptant notamment l’autoportrait de l’artiste à la prison de La Force conservé au musée du Louvre.
Une miniature à rapprocher d’un autoportrait conservé au Louvre
François Nicolas Mouchet étudia la peinture auprès de Jean-Baptiste Greuze, dont il fut l’un des meilleurs élèves. Lauréat de l’école de l’Académie royale de Peinture, il remporta le Premier Prix au Salon de 1791, avant de se spécialiser dans le genre, très lucratif, du portrait en miniature. Avec la Révolution, il quitte un temps l’atelier. Alors qu’il embrasse les idées de son ami Danton, il devient membre de la municipalité de Paris, avant d’être nommé juge de paix. En 1792, il est envoyé commissaire en Belgique, où il est chargé de désigner les œuvres d’art dignes de rejoindre les collections françaises. Hostile au tournant répressif que prend la Révolution à l’heure de la Terreur, François Nicolas Mouchet est, à son retour à Paris, incarcéré aux Madelonnettes, avant d’être écroué comme suspect à la prison de La Force du 14 novembre 1793 au 13-14 juillet 1794, puis au couvent des Filles anglaises, dont il ne sort que le 21 Thermidor. « C’est en prison qu’il fit son autoportrait aujourd’hui au Louvre et les portraits de détenus. Le nôtre a certainement été réalisé à la prison de La Force, car la porte de la geôle est identique à celle représentée dans une miniature que fit Mouchet de Jean Charton », explique l’experte Natalie Lemoine-Bouchard.
Un portrait émouvant d’un détenu de la prison de La Force
Notre miniature donne à voir, sur moins de huit centimètres de diamètre, le portrait d’un prisonnier assis dans un cachot en costume bleu et gilet beige. Il accueille au revers une émouvante relique : un damier de cheveux. « A cette époque, chaque prisonnier regardait sa mort comme certaine et c’était un geste hautement symbolique de couper une mèche de ses cheveux, de les insérer dans le médaillon d’un portrait et de les faire passer aux personnes chères, avec difficulté, les geôliers ne voulant s’en charger que dans des conditions très dures », poursuit l’experte. En prenant en main ce souvenir chargé d’Histoire – la grande, rencontrant la petite – l’on imagine aisément l’émotion qu’il put susciter en son temps auprès de l’entourage…