
Le tout premier dessin de Paul Gauguin vendu 99 000 € près de Tours
Découvert lors d’une journée d’expertise gratuite, le tout premier dessin de Paul Gauguin a été adjugé à 99 000 euros le 16 juin à l’occasion de la vente d’exception annuelle organisée par Maîtres Aymeric et Philippe Rouillac au Château d’Artigny, près de Tours. Mis à prix à 50 000 euros, il levait le voile sur la formation artistique du peintre qui, loin d’être un artiste autodidacte, s’exerça au dessin dès son plus jeune âge.
Une aquarelle levant le voile sur la formation artistique de Paul Gauguin
Gauguin, un artiste autodidacte ? La thèse ne tient plus : Maître Aymeric Rouillac a découvert une œuvre de jeunesse inédite de Paul Gauguin (1848-1903) levant le voile sur sa formation artistique. « Loin d’être un artiste autodidacte, Gauguin est un bon élève au tempérament fort, doté d’une formation scolaire exceptionnelle et rompu aux techniques du dessin », détaille le commissaire-priseur. Après un passage au petit Séminaire de la Chapelle-Saint-Mesmin, près d’Orléans, Gauguin, alors jeune adolescent, intègre la pension Loriol à Paris en vue de préparer le concours d’entrée à l’école Navale. « Il s’y exerce à l’art du dessin, une discipline dotée d’un coefficient de sept, cumulant autant d’heures d’enseignement que les mathématiques. » Après un échec au concours, sa mère l’envoie étudier une dernière année au Lycée impérial à Orléans en 1864-1865, où il reçoit à nouveau des cours de dessins. C’est à cette époque qu’il réalisa l’aquarelle vendue dimanche au Château d’Artigny à Montbazon, près de Tours.

Paul Gauguin (1848-1903), Chalet suisse en bord de Loire, 1865, encre de Chine et aquarelle sur papier Canson.
Une oeuvre réalisée à Orléans à l’âge de 17 ans
Signée « Gauguin P. » en bas à gauche, l’aquarelle n’évoque d’abord en rien l’œuvre riche en couleurs du peintre des Marquises. Nulles figures bretonnes ou polynésiennes, elle donne à voir un chalet suisse, installé au bord d’une étendue d’eau. « L’œuvre est datée, en bas à droite, de 1865. Gauguin l’aurait donc réalisée à l’âge de 17 ans. Aussi, nous avons épluché les archives du Lycée impérial d’Orléans où il était pensionnaire en 1864-1865 et avons découvert qu’il y eut pour professeur de dessin, le peintre Charles Pensée (1799-1871), grand voyageur qui séjourna en Suisse à plusieurs reprises entre 1855 et 1863 et qui donna à ses élèves la copie d’un chalet qu’il y dessina lui-même. » Ce chalet, Maître Aymeric Rouillac l’a identifié grâce à une photographie de 1901 conservée dans le fond de la Bibliothèque nationale Suisse de Genève. Il fut construit à la fin du XVIIIe siècle dans le village d’Erlenbach im Simmental. « A cette époque, la suissomania bat son plein, portée par les ‘villages suisses’ créés lors des Expositions universelles. Le paysage de montagne et son chalet sont regardés comme la preuve de l’innocence originelle, offrant au promeneur une solitude heureuse que la ville lui refuse, stimulant l’imaginaire romantique. »
Un chalet suisse en bord de Loire
A ce sujet d’étude helvétique, Gauguin associe son goût de l’aventure. « Avant que sa mère ne l’envoie étudier au Lycée impérial d’Orléans, Gauguin souhaitait s’engager dans la marine marchande. Cette aquarelle témoigne de son désir de prendre le large. En effet, Gauguin représente le chalet au bord d’une étendue d’eau qui n’est pas un lac suisse mais un fleuve. Le bateau qui flotte au loin n’est autre qu’une gabare : un navire de Loire observé à Orléans. Ainsi, à sa mère qui lui demande de passer son bac d’abord, Gauguin répond par la rêverie. Quelques mois après la réalisation de cette aquarelle, à la fin de l’année scolaire, Gauguin s’engagera finalement sur un navire marchand. »
Un dessin de jeunesse adjugé à 99 000 euros
Apportée lors d’une journée d’expertise gratuite à l’automne 2018, cette aquarelle est ainsi le tout premier dessin connu de Paul Gauguin. Adjugée à 99 000 euros et acquise par un collectionneur qui l’accrochera en Suisse, elle était mise en vente dimanche aux côtés de pièces exceptionnelles tels qu’un bronze de Rembrandt Bugatti, adjugé au premier record de 1,364 million d’euros, une édition originale de François Rabelais, adjugée à 607 600 euros, et un paysage de Gustave Courbet, adjugé à 198 000 euros.
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