
T’ang Haywen en vente à Cannes : 5 raisons d’enchérir
Samedi 28 octobre 2017 à Cannes et sur le Live d’Interencheres, un ensemble exceptionnel de 55 œuvres du peintre franco-chinois T’ang Haywen (1927-1991) sera mis aux enchères par Maîtres Julien Pichon et Thierry Noudel-Deniau. L’occasion de miser sur un artiste encore abordable, mais dont la cote ne cesse de grimper ces dernières années.
1. Une provenance et un ensemble exceptionnels
C’est la première fois depuis 25 ans qu’autant d’œuvres de T’ang Haywen sont réunies. Réalisées entre 1964 et 1976, elles ont été acquises directement auprès du peintre par ses amis. « Deux collections seront dispersées, explique Maître Julien Pichon. La première est celle d’habitants de la région parisienne qui avaient hébergé T’ang Haywen dans les années 1970 et dont j’ai déjà vendu une première partie lors de vacations en 2015 et 2016. La deuxième comprend 11 œuvres datant des années 1980 et qui appartenaient à son ami suédois, l’écrivain Bengt Söderbergh, rencontré lors de soirées à Cannes. »
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2. Une cote qui progresse
Comme Zao Wou-Ki (1920-2013) et Chu Teh-Chun (1920-2014), T’ang Haywen a fui la Chine pour rejoindre la France en 1949 et y inventer un nouveau langage expressif et abstrait. Mais au contraire des deux géants de l’art contemporain chinois que le marché de l’art s’arrache aujourd’hui, ses œuvres n’atteignent pas (encore) des records de vente à plusieurs millions d’euros. Ainsi, pour cette vacation, les estimations vont de 400 euros pour une aquarelle, à 10 000 euros pour un diptyque à l’encre.
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T’ang Haywen est mort dans la misère. Pourtant, il fut invité en 1988 à présenter ses œuvres aux côtés de ses illustres condisciples au musée des Beaux-Arts de Taipei à l’occasion de la toute première exposition consacrée aux peintres chinois modernes ayant séjourné en France – l’événement « China-Paris ». Mais l’artiste rata cette opportunité, découvrant trop tard les lettres de proposition et de relance. « Toute sa vie s’est construite en dehors de toute préoccupation matérielle, explique Maître Julien Pichon. Son existence était liée à l’exercice de la liberté. Il n’avait pas pour but d’exposer ou de vendre ses œuvres. » Cet oiseau libre devait ainsi mourir dans l’oubli. Ce n’est qu’après sa mort, dans les années 1990 et à l’occasion de la vente de son atelier, que ses œuvres sont redécouvertes. « Depuis, sa cote s’est relativement stabilisée, mais elle a vocation à progresser, explique Maître Julien Pichon. Il intéresse de plus en plus le marché chinois et notamment hongkongais, mais aussi le marché français. »
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3. Une reconnaissance institutionnelle
Beaucoup de choses restent à découvrir de cet artiste. « Comme il n’exposait pratiquement pas, et se souciait peu de vendre ses œuvres, il travaillait 5 à 8 heures par jour et a produit un nombre considérable d’œuvres. Il y a donc tout un travail de redécouverte à mener. Actuellement, les archives T’ang Haywen et l’expert Philippe Koutouzis se chargent d’inventorier toutes ces œuvres dans un catalogue raisonné. Les pièces proposées à la vente y seront d’ailleurs intégrées. »
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L’œuvre de T’ang Haywen intéresse ainsi les historiens de l’art et n’a pas échappé à l’attention des conservateurs, puisqu’elle est déjà exposée dans de nombreux musées partout dans le monde, de l’Ashmolean Museum d’Oxford à la National Gallery of Science de Washington en passant par Paris. En 2002, le Musée Guimet lui dédia sa toute première exposition consacrée à un artiste moderne. Cinq ans après sa mort, en 1996, le Musée Océanographique de Monaco organisa une rétrospective itinérante qui se poursuivit au Hongkong Museum of Art et au Singapore Museum of Art, avant de faire une dernière escale au Museum Fur Ostasiatische Kunst, à Cologne. Ses œuvres sont également présentes dans de nombreuses collections institutionnelles, à Paris, Quimper, Nice, Chambéry, Boston ou encore Houston aux Etats-Unis.
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4. Un pont entre la Chine et la France
Si l’œuvre intéresse ainsi les institutions et les collections du monde entier, c’est qu’elle témoigne d’une histoire commune entre l’Asie et l’Occident. Né en Chine, dans la province du Fuyan, T’ang Haywen (1927-1991) a grandi à Cholon, le quartier chinois de Saïgon au Vietnam, pour finalement rejoindre la France à l’âge de 21 ans. Éternel exilé, il ajoute à son nom vietnamien T’ang, un pseudonyme chinois – hai pour la mer, wen pour l’écriture – avant de tomber amoureux de Paris où il se lie d’amitié avec de nombreux artistes. Un antagonisme Orient-Occident qui s’impose jusque dans son œuvre. « T’ang Haywen (1927-1991) n’appartient pas à l’Occident. Est-il pour autant un Oriental ? » s’interrogeait ainsi son ami Claude Fournet.
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En 1948, T’ang Haywen rejoint Paris et débute des études de médecine. Mais il les abandonne très vite, pour se consacrer à la peinture. Il visite la ville, parcourt ses musées, découvre les galeries de la rive gauche et prends quelques cours à la Grande Chaumière. Il s’inspire alors des œuvres de Turner, Monet ou encore Cézanne et les réinterprète à l’aune de sa propre culture, privilégiant l’encre à la peinture. L’artiste restera toute sa vie attaché à l’art de calligraphie que lui enseigna son grand-père. En une forme d’abstraction lyrique, il associe ainsi cette technique ancestrale à l’art des grands maîtres de la modernité. Parfois, il retient de cet héritage occidental les tons les plus vifs, mêlant dans ses paysages aquarellés, le noir de l’écriture à des nuées de vert fluo. « Ce lien franco-chinois, a une incidence sur le marché, note le commissaire-priseur. Les œuvres de T’ang Haywen attirent autant les asiatiques que les occidentaux et tous deux posent un regard différent sur l’œuvre. Les asiatiques y perçoivent l’émotion, la traduction d’un sentiment devant le paysage, tandis que les français et occidentaux ont tendance à y voir une œuvre abstraite. »
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5. Une œuvre intemporelle et singulière
Bien qu’il soit souvent qualifié d’artiste abstrait, T’ang Haywen n’était pas très à l’aise avec cette étiquette. Son œuvre se laisse bien plus guider par la spiritualité chinoise et la philosophie taoïste, que par des préceptes picturaux. « A partir des années 1970, il découvre le diptyque qui devient sa grande spécialité, sa signature. La question du vide et du plein, du visible et de l’invisible, ou encore des forces cosmiques, occupent alors une place fondamentale ». Traduire l’esprit vivant d’un objet, d’une fleur, d’un paysage, selon un principe de tension entre des forces opposées ou complémentaires : voilà ce que sont les piliers de l’œuvre de T’ang Haywen aux yeux de l’expert Philippe Koutouzis. L’œuvre de T’ang Haywen est intemporelle, à mi-chemin entre la figuration et l’abstraction. « Comme l’indiquait en 1979 le catalogue de l’exposition du musée savoisen à Chambéry, poursuit Maître Julien Pichon, elle aurait été possible il y a mille ans et le sera encore dans les siècles à venir. Elle dépasse les propos du moment, abolit l’espace et le temps. »
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