Un dessin du XVIe siècle du Parmesan découvert au hasard d’une journée d’expertise à Nantes
Autrefois attribué au Florentin Stefano Della Bella, un dessin renoue avec son véritable auteur : Le Parmesan, un artiste virtuose du XVIe siècle, faisant la transition entre la Renaissance et le maniérisme.
Pendant qu’à Paris, au musée du Louvre, l’exposition « Naples » arborait en guise d’affiche sa mystérieuse Antea, le maître italien Giovanni Francesco Mazzola (1503-1540), dit Le Parmesan, s’invitait au même moment à Nantes, le temps d’une journée d’expertise… « Une cliente nous a apporté cinq dessins, raconte le commissaire-priseur Bertrand Couton. Les quatre premiers ont été expertisés et estimés sans difficulté. Le dernier, néanmoins, sortait du lot. Je ne savais pas qui pouvait en être l’auteur mais je le trouvais vraiment beaucoup plus beau, mieux dessiné que les autres. » Le dessin révèle ses secrets à l’issue de plusieurs semaines de recherches menées par les experts du cabinet de Bayser, de concert avec l’historien d’art David Ekserdjian, spécialiste de la peinture italienne à Parme au XVIe siècle. Autrefois attribué à l’artiste florentin Stefano Della Bella (1610-1664), il est finalement donné au maître de Parme, Le Parmesan… « Nous avons prévenu la propriétaire qui ne s’attendait pas du tout à une attribution si prestigieuse ».
De Stefano Della Bella au Parmesan, la manière retrouvée
Le dessin dévoile une Etude de figure assise, prise de côté, et présente au verso une seconde étude à la plume et encre brune, représentant Saint Jean Baptiste. Les experts ont mis en lumière plusieurs éléments caractéristiques du style de Parmesan. Celui-ci a été, après Léonard de Vinci, l’un des dessinateurs les plus prolifiques. Il nous a laissé plus d’un millier de feuillets, et avait pour habitude de conférer un aspect griffé aux mains et pieds de ses personnages, un élément que l’on retrouve dans l’étude de Saint Jean Baptiste. « Son style se caractérise par la souplesse de la plume, notamment dans la tête et les pieds, ainsi que par la présence de hachures », précise l’expert Louis de Bayser. La figure assise, tournant le dos au spectateur, est également un leitmotiv dans l’œuvre du maître italien.
Une marque, présente en bas à gauche du recto, permet d’en apprendre davantage sur l’histoire de ce dessin. Les initiales « AF » dans un cercle ont pu être identifiées grâce au répertoire des marques de collections de la Fondation Custodia, fondée par Frits Lugt. Elle fait référence à Albert Finot (1853-1941), docteur des hôpitaux de Troyes, grand amateur d’art et collectionneur de dessins de maîtres anciens et modernes.
Un dessin estimé de 20 000 à 30 000 euros
L’étude au verso aurait, selon les experts, été réalisée d’après le modèle de Raphaël, que Le Parmesan utilisa ultérieurement pour son Saint Jean Baptiste, peint en 1527. Dans les années 1520, Le Parmesan se rend à Rome où il découvre les œuvres de Michel-Ange et de Raphaël. A ce dernier, il emprunte la touche gracieuse et raffinée. En parallèle, il côtoie le peintre maniériste Rosso Fiorentino, connu pour ses réalisations pour la Galerie François Ier, au Château de Fontainebleau. Il s’approprie dès lors à son tour le goût pour l’allongement et la torsion des corps, initié par Michel-Ange, pour créer sa propre manière, sensuelle et élégante, s’imposant en précurseur du maniérisme.
Le dessin sera vendu aux enchères par la maison Couton-Jamault-Hirn, le 30 janvier à Nantes. Il est estimé entre 20 000 et 30 000 euros, une évaluation raisonnable lorsque l’on connaît la virtuosité avec laquelle Le Parmesan sut manier la plume et le crayon. « L’échelle de prix pour les œuvres de l’artiste est très large étant donné qu’il a beaucoup dessiné. Ses études ont réalisé des prix allant de 10 000 à 1 million d’euros », détaille Louis de Bayser, qui s’attend davantage à assister à une bataille entre collectionneurs, les institutions comptant déjà dans leurs réserves de nombreux dessins du maître de l’Ecole de Parme.
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