Un nouveau chef-d’œuvre de Jean-Baptiste Corneille ressurgit aux enchères à Paris
Après avoir fait sensation en juin dernier avec Alexandre faisant boire ses soldats de Jean-Baptiste Corneille, la maison Tajan dévoilera, le 12 décembre, une autre œuvre tout aussi spectaculaire du même artiste. Estimée entre 80 000 et 120 000 euros, cette toile s’inscrit dans la grande tradition des peintures d’Histoire du règne de Louis XIV et apporte un éclairage nouveau sur un peintre méconnu, dont les œuvres ont parfois été attribuées à tord à Charles Le Brun.
Jean-Baptiste Corneille (1649-1695), bien que méconnu, est un peintre éminent du Grand Siècle. Fils du peintre Michel Corneille, ancien élève de Simon Vouet, il perfectionne son art en Italie de 1665 à 1671, en tant que pensionnaire de l’Académie de France à Rome. En 1675, à son retour en France, il livre Hercule assumant Busiris comme morceau de réception et intègre l’Académie royale des Beaux-Arts. Les années qui suivent sont notamment marquées par sa participation à la décoration du Palais des Tuileries. Son corpus, principalement constitué de peintures religieuses et de grands projets historiques, témoigne de sa maîtrise de la couleur et de la composition. « Notre tableau illustre parfaitement son goût pour les coloris acidulés, les « cangianti », couleurs changeantes qui animent la compositions, ce qui souligne le parti pris du peintre dans la querelle du coloris, à la suite du débat lancé par Philippe de Champaigne à l’Académie en 1671 », précisent les experts du cabinet Turquin.
Un épisode rare de la vie d’Alexandre le Grand
Au XVIIe siècle, l’histoire d’Alexandre le Grand connaît un regain d’intérêt auprès des artistes, impulsé par la tragédie de Jean Racine jouée le 12 décembre 1665. Peu après la première représentation, la manufacture des Gobelins entreprend la réalisation d’une série de tapisseries illustrant la vie du roi de Macédoine, d’après des cartons conçus par Charles Le Brun (Musée du Louvre).
Notre tableau, qui illustre un épisode majeur de l’histoire d’Alexandre le Grand, s’appuie sur un passage de Vitruve dans son De architectura (Livre II). On y voit l’architecte Dinocrate qui, par une gestuelle expressive, tente d’attirer l’attention d’Alexandre Le Grand afin de lui exposer son projet audacieux. Il lui propose de transformer le mont Athos en une figure d’homme colossale, tenant dans sa main gauche une cité et dans sa main droite une coupe recueillant les eaux des fleuves pour les déverser dans la mer. « Les figures au premier plan sont de Jean-Baptiste Corneille. En revanche, il est possible que la foule au second plan, au niveau de la colonnade, revienne à un de ses confrère et ami, Pierre Monier, à cause de leur aspect plus proche de Sébastien Bourdon, dont il était l’élève », détaillent les experts du cabinet Turquin.
Un tableau probablement issu de la collection de Colbert
Notre tableau ressurgit sur le marché six mois après la vente par Tajan d’une première toile de Jean-Baptiste Corneille, Alexandre faisant boire ses soldats adjugé 472 320 euros. Or ce tableau, longtemps attribué à Charles Le Brun, avait pu retrouver son maître grâce à la redécouverte en 2008 de son pendant, à savoir notre Dinocrate présente à Alexandre son projet pour le Mont Athos qui empruntera, quant à lui, le chemin des enchères avec une estimation comprise entre 80 000 et 120 000 euros. « La composition est plus sobre et moins spectaculaire, tandis que ses dimensions (300 x 310 cm) sont légèrement inférieures à celles du tableau que vous avions présentés à la vente en juin dernier (301 x 431 cm). Par ailleurs, quelques légers problèmes de conservation, ainsi que des restaurations ont conduit à une estimation plus prudente », explique Thaddée Prate, directeur du département des tableaux anciens chez Tajan.
Notre tableau n’en reste pas moins une pièce majeure. Elle est très probablement issue de la collection de Jean-Baptiste Colbert, ministre de Louis XIV. « Un tableau de ce sujet est mentionné dans la grande salle du château de Sceaux, dans l’inventaire après décès de Colbert rédigé par Charles Le Brun en 1683 », indiquent les experts du cabinet Turquin. L’œuvre a ensuite été vendue en 1851 lors de la vente Louis-Philippe à Paris, avant de figurer dans une vente chez Tajan en juin 2008.