
Un plateau vénitien en cuivre émaillé du XVe siècle adjugé 79 200 € à Blois
Lors d’un inventaire de succession en Touraine, Maître Guillaume Cornet a découvert un plateau exceptionnel en cuivre émaillé réalisé vers 1500. Caractéristique de la Renaissance vénitienne, il s’agissait d’une coupe décorative, communément appelée « tazza ». Après sa mise en vente samedi 24 mars à Blois et sur le Live d’Interencheres, le commissaire-priseur dévoile les atouts de cette pièce remarquable acquise 79 200 euros (avec frais) par un grand collectionneur européen.
En décembre dernier, Maître Guillaume Cornet contait la découverte étonnante d’un bol de Meissen provenant d’un service du Metropolitan Museum de New York. Adjugé 8 000 euros le 9 décembre, il avait été retrouvé lors d’un inventaire de succession à Montrichard, une petite commune de Touraine. « J’étais chargé d’inventorier les meubles et objets d’un studio, détaille le commissaire-priseur. L’ensemble paraissait n’avoir aucune valeur particulière, à tel point que l’héritière songeait à en faire don. Mais en entrant dans la pièce, j’ai aperçu un meuble-vitrine. Celui-ci renfermait un bol étincelant en porcelaine, ainsi qu’un plateau émaillé d’une très grande beauté. J’ai d’abord cru à des pièces récentes du XIXe siècle, tant leur état de conservation était bon. Mais après quelques recherches et avec l’aide de nos experts, nous nous sommes rendus compte que le bol était du XVIIIe et que le plateau avait été réalisé autour de 1500.» Le commissaire-priseur pense d’abord à un plat, mais il s’agit en fait d’une coupe dite « tazza », dont il manque aujourd’hui le pied.
Des pièces décoratives réservées à l’aristocratie italienne
Fait de cuivre agrémenté d’émaux bleu, vert, blanc, et rehaussé de dorure, le plateau est caractéristique de la vaisselle d’apparat produite à Venise entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle. « Les couleurs nécessitaient un travail minutieux, de même que l’obtention des godrons spiralés et autres reliefs. Il s’agissait d’une petite production très raffinée et réservée à une élite. » Assiettes, plats, salières, coupes, chandeliers, miroirs en cuivre émaillé ornaient ainsi les intérieurs des hauts dignitaires italiens de la Renaissance.
« Ces pièces ont ensuite été très appréciées et collectionnées au XIXe siècle, période au cours de laquelle plusieurs d’entre elles ont intégré les collections des plus grands musées dont le Louvre », explique Laurence Fligny, experte en art de la Haute époque. Tombées depuis dans l’oubli, elles ont récemment été mises à l’honneur par l’institution lors d’une exposition et d’un colloque international organisés en 2014.
Des objets rares sur le marché
« Les cuivres émaillés vénitiens sont très rares, poursuit Maître Guillaume Cornet. A ce jour, moins de 300 exemplaires sont référencés dans les musées et collections privées du monde entier. » Aussi, ils s’envolent parfois à quelques dizaines de milliers d’euros lorsqu’ils passent aux enchères, à l’image d’une assiette en émail peint adjugée 55 000 euros à Paris en 2009. « Ils intéressent beaucoup les collectionneurs italiens », précise Laurence Fligny. A Blois, samedi 24 mars, le plateau a ainsi pulvérisé son estimation, fixée entre 5 000 et 8 000 euros, pour s’envoler à 79 200 euros (avec frais), acquis par un grand collectionneur européen. « La bataille était rude, détaille Maître Guillaume Cornet. Les enchères ont démarré à 5 000 euros et sont vite montées jusqu’à 40 000 euros. Dix téléphones provenant du monde entier (Etats-Unis, Angleterre, Italie, Allemagne, France) se battaient contre un enchérisseur en salle et deux enchérisseurs sur le Live. Passé le seuil de 40 000 euros, seuls deux enchérisseurs au téléphone tenaient finalement la corde. Mais ils ont persisté jusqu’à 66 000 euros, prix marteau ! »