
Un rare vase Qianlong à six cols adjugé 187 500 euros à Senlis
Un vase en porcelaine portant la marque de Qianlong a été adjugé 187 500 euros le 27 mars à Senlis, à l’occasion de la vente des trésors d’Actéon orchestrée par Dominique Le Coënt-de Beaulieu. Cette pièce exceptionnelle provenant d’une collection française conjugue une forme atypique à six cols et un rare monochrome clair de lune.
Des fours impériaux de la Chine impériale fleurissent au XVIIIe siècle des chefs-d’œuvre à l’instar de ce vase Qianlong (1736-1795) à la silhouette atypique. Réunir six vases en une même pièce de porcelaine relève d’un tour de force technique dont seuls les potiers les plus expérimentés ont le secret. Pour façonner cette forme dite liukongping, les artisans devaient en effet faire preuve d’une grande habileté afin de maintenir accolés les six cols, sans qu’ils ne s’effondrent sous l’effet de la cuisson à haute température. Ces vases à plusieurs cols ne furent produits qu’en nombre restreint, du fait de la complexité du processus de fabrication. « Nous avons retrouvé des écrits évoquant l’existence de vases similaires à six cols à l’époque des Song (960-1279) mais il n’en demeure, à ma connaissance, aucun témoignage, et les exemples datant de l’époque Qianlong sont très rares. Un vase de même forme, émaillé poudre de thé, est conservé au National Palace à Taiwan, un autre fait partie des collections de l’Art Institute de Chicago et un troisième demeure en mains privées », détaille Alice Jossaume, experte en arts asiatiques au cabinet Portier. Le 13 juin 2012, un vase à six cols en porcelaine bleu blanc, marqué du cachet de l’empereur Qianlong et provenant de la collection de Jean-Antoine Ernest Constans (1833-1913) qui fut tour à tour ministre de l’intérieur au début des années 1880, gouverneur général de l’Indochine française et ambassadeur de l’Empire ottoman, avait quant à lui doublé son estimation, trouvant preneur à 1,2 million d’euros, lors d’une vente d’Arts d’Asie organisée à Paris.
Un subtil monochrome clair de lune
Outre sa forme innovante, notre vase arbore une glaçure monochrome au rare coloris clair de lune, propre à magnifier la structure. Si des pièces à couverte monochrome sont produites dès l’époque des Han (206 avant J.-C. – 220 après J.-C.), alors que naît en Chine la céramique à glaçure, la tradition de la monochromie connaît un regain d’intérêt sous les Qing. « Dès le règne de Kangxi (1661-1722), ces monochromes sont très appréciés, repris ensuite par les empereurs Yongzheng et Qianlong », explique Alice Jossaume. Au sein des ateliers de Jingdezhen, des chimistes élaborent une variété infinie de nuances aux noms poétiques évocateurs : céladon, sang-de-bœuf, peau de pêche, poussière de thé, clair de lune… Désignant un bleu clair subtil, la couleur « clair de lune » qui caractérise notre porcelaine ne pare qu’à de rares occasions les céramiques émergeant des fours impériaux, ces dernières arborant plus couramment une glaçure bleu-vert céladon.
Un chef-d’œuvre portant la marque de Qianlong adjugé 187 500 euros
Afin d’asseoir leur légitimité au trône de la Chine, les souverains de la dynastie Qing, d’origine mandchoue, attachèrent une attention particulière aux arts. Sous l’impulsion des empereurs successifs, Kangxi (1662-1722), Yongzheng (1723-1735) et Qianlong (1736-1795), les ateliers de porcelaine de Jingdezhen, incendiés au XVIIe siècle, connaissent un essor sans précédent, dirigés par de fins lettrés envoyés par le gouvernement pour contrôler la qualité des commandes impériales. Des fours impériaux de la Chine impériale fleurissent ainsi des objets innovants et raffinés, destinés à célébrer le pouvoir impérial. Le règne de l’empereur Qianlong, à la fois collectionneur et mécène, poète, peintre et calligraphe, marquera l’âge d’or de la civilisation chinoise, avec des créations redoublant d’inventivité et s’inscrivant dans la lignée des chefs-d’œuvre du passé, à l’instar de notre vase qui a trouvé preneur à 187 500 euros (frais inclus) le 27 mars à Senlis, acquis par un enchérisseur asiatique.
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