Un tableau historique de Soulages vendu à près d’1,5 million d’euros en Normandie
Un tableau de Pierre Soulages inédit sur le marché a été adjugé à près d’1,5 million d’euros le 23 janvier à Caen. Acquis par un collectionneur européen, ce chef-d’œuvre du peintre du noir provenait de la collection de Léopold Sédar Senghor.
C’est un tableau historique de Pierre Soulages que les commissaires-priseurs Solène Lainé et Jean Rivola présentaient aux enchères le 23 janvier dernier à Caen. Inédit sur le marché, il fut acquis dans l’atelier du peintre par l’écrivain et président sénégalais Léopold Senghor, son ami et grand admirateur qui ne tarissait pas d’éloges à son égard : « Soulages est incontestablement un de nos grands peintres classiques », écrit-il dans la revue des Lettres Nouvelles en 1958. « On sent à travers ses tableaux, un tempérament riche et généreux, un homme du XXe siècle, qui porte en lui le sens tragique de notre destin.»
Un chef-d’œuvre peint en 1956
Cette toile fut peinte en 1956, alors que Soulages, âgé de 37 ans, jouit d’une notoriété grandissante à l’international, particulièrement plébiscité en Allemagne et aux Etats-Unis où ses œuvres habillent les murs de musées prestigieux tel le Museum of Modern Art de New York. Elle retint l’attention de Pierre Encrevé, qui l’introduisit dans son Œuvre complet de Soulages en quatre volumes et la sélectionna pour sa monographie parue au Seuil en 2007. Dans cet ouvrage de référence, le linguiste et historien de l’art spécialiste de l’artiste revient longuement sur cette Peinture 81 x 60 cm, 3 décembre 1956 qui illustre pour lui un type de « toiles où persiste un signe sombre sur un fond clair » et où « la couleur sombre traitée en orthogonales domine la partie haute du tableau pour n’apparaître qu’en verticales centrées dans la partie basse. Là encore, il s’agit de toiles debout, qui semblent regarder le regardeur : affronter de leur force d’imposition son regard comme pour en susciter un retour. Les larges touches sont à la fois juxtaposées et fortement liées dans une organisation qui fait bloc, limitée par elle-même et non par les bords de la toile. »
Soulages et Senghor, l’histoire d’une amitié
Cette œuvre majeure raconte aussi l’histoire d’une amitié puisqu’elle fut acquise par Léopold et Colette Senghor dans l’atelier de l’artiste en décembre 1956. Poète, écrivain, membre de l’Académie Française, homme d’état français puis sénégalais et premier Président de la République du Sénégal de 1960 à 1980, Léopold Senghor compta parmi les grands admirateurs et défenseurs de l’artiste qu’il rencontra à la fin des années 1950 et à qui il consacra une exposition au Musée d’art contemporain de Dakar, le Musée Dynamique, en 1974. Une exposition qui fit le tour du monde, de Lisbonne à Mexico ou Montpellier, et où la toile fut exposée.
Une vente hommage organisée en Normandie
Pour rendre hommage à cette amitié indéfectible, les vendeurs avaient choisi la Normandie, une région chère à Léopold Sédar Senghor où il séjourna à de nombreuses reprises avec son épouse, loin des tumultes de la vie politique. Estimée entre 800 000 et un million d’euros, la toile s’est envolée à 1,476 million d’euros (frais compris), acquise par un collectionneur européen. « C’est un très beau prix de niveau international, commentait le commissaire-priseur Jean Rivola, à l’issue de la vente. La bataille s’est jouée entre sept enchérisseurs, tant professionnels que collectionneurs privés, qui le voulaient vraiment.»
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