Une toile de concours du peintre néoclassique Charles Thévenin redécouverte à Royan
Une toile du peintre néoclassique Charles Thévenin sera dévoilée aux enchères le 2 novembre à l’Hôtel des ventes de Royan. Cette œuvre, représentant La mort de Tatius, estimée entre 80 000 et 120 000 euros, fut présentée par l’artiste au concours du Prix de Rome de 1788.
C’est dans une maison à Saujon, près de Royan, que notre œuvre a été découverte par Jean-Renaud Geoffroy et Laurence Boggero. Sollicités dans le cadre d’un inventaire de succession, les deux commissaires-priseurs sont tombés immédiatement sous le charme de cette toile savamment composée. Au revers, ils notent la présence d’une inscription « Meynier », sans toutefois repérer de signature. Le tableau est alors confié aux experts du cabinet Turquin qui, à l’issue de recherches, annoncent leur verdict : l’œuvre n’est autre que le tableau avec lequel le peintre néoclassique Charles Thévenin (1764-1838) participa pour la première fois au concours du Prix de Rome en 1788. Il est estimé entre 80 000 et 120 000 euros.
La Mort de Tatius, le concours du Prix de Rome de 1788
La toile, mesurant 145,5 x 110 cm, arbore le format réglementaire imposé par l’Académie pour ce prestigieux concours. Son sujet, La Mort de Tatius, correspond en outre au thème qui fut imposé aux artistes lors du concours de 1788, une édition particulière émaillée de tensions internes. « Le déroulement du concours de 1788 fait face à des tensions car celui de l’année précédente avait donné lieu à des accusations de tricherie de Fabre envers Girodet », précisent les experts. Passage incontournable dans la carrière d’un artiste, le concours du Prix de Rome permettait au vainqueur de rejoindre l’Académie de France à Rome, pour y étudier les maîtres de la Péninsule. « Trois professeurs s’affrontaient à travers les candidats : les élèves de Regnault, Vincent et David, le gagnant apportant une forte publicité pour l’atelier de son maître », poursuivent les experts.
Le sujet imposé était ainsi présenté aux artistes : « Tatius, collègue de Romulus, qui après avoir fait livrer à la fureur des Sabins les Ambassadeurs de Lavinium, et osant revenir à Lavinium avec Romulus pour faire un sacrifice aux Dieux des Troyens, est assassiné par les Laviniens au pied de l’autel, avec les mêmes armes qui avaient servi à égorger les victimes. » « Ce récit, rapporté sous différentes versions par Cicéron, Plutarque ainsi que Ennius, justifie le meurtre, qui serait dû à un déni de justice portant sur un vol de bétail, expliquent les experts. Ces auteurs sous-entendent également que Romulus, futur roi de Rome, serait impliqué dans cette révolte et aurait ainsi récupéré le pouvoir. »
Charles Thévenin, un élève de François-André Vincent
Selon les Mémoires de l’Académie, publiées par Anatole de Montaiglon en 1889, sept candidats furent admis à participer à l’édition de 1788 : Etienne-Barthélémy Garnier, vainqueur du concours, Anne-Louis Girodet, Jacques Réattu, ainsi que quatre élèves de François-André Vincent, Charles Meynier, Jacques-Augustin Pajou, Léonor Mérimée et Charles Thévenin. « Nous avons pu exclure, pour des raisons stylistiques, Meynier et Pajou, et le peu que l’on connaisse aujourd’hui des tableaux de Mérimée ne plaide pas pour qu’il en soit l’auteur », expliquent les experts. Notre toile, dont les couleurs claires et le rigoureux enchaînement des groupes trahissent l’héritage de François-André Vincent, se rapproche des peintures d’histoire que Thévenin réalise à la fin des années 1780. « La physionomie des personnages, les types figures, les vieillards par exemple, sont semblables », notent les experts, mentionnant pour exemples Jésus parmi les docteurs de la Loi (Provins, église Saint-Ayoul), Joseph reconnu par ses frères (Angers, musée des Beaux-Arts), La Justification de Suzanne (musée du Grand Siècle à Saint-Cloud) ou encore Régulus retourne à Carthage (Paris, Ecole des Beaux-Arts).
Charles Thévenin devra attendre 1791 pour obtenir le précieux sésame. « A partir de cette date, il décrit plusieurs scènes contemporaines de la Révolution avec réalisme, comme La prise de la Bastille en 1790, La Fête de la Fédération en 1792, et obtient un grand succès sous l’Empire, avec des scènes de batailles napoléoniennes. » En 1816, il devient directeur de l’Académie de France à Rome, où il se lie d’amitié avec Ingres, et des artistes de la jeune génération alors pensionnaires à la Villa Médicis, comme Alaux, Cortot, David d’Angers, Vinchon ou Picot. A son retour à Paris, il sera élu membre de l’Académie des beaux-arts, puis nommé conservateur du Cabinet d’estampes de la Bibliothèque nationale.