
Le premier atlas du monde aux enchères à Chartres
Publié en 1570, le Theatrum Orbis Terrarum d’Abraham Ortelius est considéré comme le premier atlas moderne. Un exemplaire de 1595, estimé entre 35 000 et 45 000 euros, sera la pièce maîtresse d’une vente aux enchères prévue le 4 novembre à la Galerie de Chartres.
[Mise à jour, 7 novembre] L’atlas a été adjugé 51 850 euros. Il a été vivement disputé au téléphone par six enchérisseurs français, hollandais et anglais.
Le Theatrum Orbis Terrarum d’Abraham Ortelius (1527-1598) est, si l’on emprunte une expression actuelle, un best-seller du XVIe siècle. L’ouvrage connut à sa parution, en 1570 à Anvers, un succès considérable, en dépit de son prix élevé de 30 florins qui, à lire l’historien belge Max Rooses, le hissait au rang de livre le plus cher de son époque. Il permit de diffuser auprès d’un large public l’ensemble des connaissances que les géographes du XVIe siècle avaient à leur disposition, alors que les grandes découvertes dessinaient une nouvelle vision du monde. L’atlas, traduit en sept langues, fut d’ailleurs actualisé par son auteur, et ses successeurs, à mesure que les connaissances évoluaient, donnant lieu à une trentaine d’éditions entre 1570 et 1612. « Après le grand succès de la première édition, l’entreprise n’a cessé de se développer au cours des décennies suivantes, de nouvelles cartes venant sans cesse compléter le fonds », expliquent les commissaires-priseurs de la Galerie de Chartres qui présentent aux enchères le 4 novembre une rare édition de 1595, composée de 147 planches doubles, dévoilant 207 cartes différentes…

Abraham Ortelius (1527-1598), Theatrum Orbis Terrarum. Extrait de l’édition de 1595 en vente à Chartres.
Une édition exceptionnelle de 1595 estimée à plus de 35 000 euros
Si l’atlas de la vente de Chartres présente quelques défauts et manques, il demeure dans un bel état de fraîcheur, et arbore encore ses coloris rutilants d’origine, permettant d’apprécier les qualités esthétiques dont étaient doués ces ouvrages à visée scientifique. « Ortelius a réussi à présenter le monde à l’horizon de ses contemporains comme sur une scène de théâtre, détaillent les commissaires-priseurs. Scientifiquement aussi exact que possible, il présenta également le globe terrestre d’une manière artistiquement attrayante, ornée de représentations mythologiques et décorée d’engins nautiques et de bateaux. »
Les planches, montées sur onglet, arborent des cartouches et divers ornements et figures, à l’instar d’animaux fantastiques, des monstres marins des mers orientales aux chameaux de Bactriane. « Parfois de courtes notules, à l’exemple de la carte de la Tartarie, nous content certaines légendes ou mœurs des Kirkizes, au travers d’un imagier historié. » Ici, les connaissances, issues des voyages de Marco Polo aux explorateurs portugais et espagnols, se mêlent aux spéculations et chimères. En dépit de ces inexactitudes, l’ouvrage demeurera pendant longtemps une référence pour quiconque souhaitait apprécier la physionomie – et la beauté – du monde. Il fut en outre le premier document à émettre l’hypothèse de la dérive des continents, visible ici sur l’apparent déchirement des côtes d’Amérique latine et d’Afrique…