Un rare masque Batcham aux enchères à Joué-lès-Tours
Découvert dans le cadre d’une succession tourangelle, un masque « Tsema ’bu » dit « Batcham » de l’ouest du Cameroun, sera dévoilé aux enchères le 29 juin à Joué-lès-Tours. Seule une vingtaine de masques de ce type est répertoriée à ce jour dans le monde.
Mise à jour, 1er juillet 2024 : Le masque « Tsema ’bu » dit « Batcham » a été adjugé 76 738 euros (frais inclus).
« C’est une découverte incroyable, seule une vingtaine de masques Batcham est répertoriée à ce jour dans le monde et aucun de ces masques n’est encore en mains privées« . A l’approche de la vente du 29 juin, Bertrand Jabot ne cache pas son enthousiasme. Le commissaire-priseur de l’Hôtel des ventes Giraudeau a retrouvé, lors d’un inventaire de succession en Touraine, un masque « Tsema ’bu » dit « Batcham ». Expertisé par Christian Njiensi, le masque est estimé de 20 000 à 30 000 euros.
Un masque provenant de l’ouest du Cameroun
Le masque « Tsema’bu » de la confrérie du « Msop » est communément appelé masque « Batcham ». Il doit son nom au Royaume de Batcham où le premier masque fut collecté en 1904. Située à l’ouest du Cameroun, cette région des prairies, peuplée en grande partie par les Bamilékés, est l’un des plus grands foyers d’art et de culture de l’Afrique de l’ouest. « Notre exemplaire se rapproche des caractéristiques de la région de Bandjoun », précise l’expert.
« Les Bamilékés s’organisaient selon une hiérarchie très structurée, fondée sur la royauté et les sociétés secrètes, poursuit Christian Njiensi. Les masques « Tsema ‘bu » sont un instrument de contrôle social, ils expriment ou représentent la puissance et la position dans la hiérarchie sociale des grands notables et du « Fo’ ô »». Ces masques appartiennent au « Msop », une ancienne société secrète dans laquelle seuls les grands initiés, piliers du pouvoir politique et religieux, sont autorisés à les porter. Le « Tsema ’bu » n’y est utilisé qu’à de rares occasions, lors de funérailles, de l’intronisation du roi et des neufs notables ou des réunions de confréries.
Un masque Batcham du XIXe siècle
« Comme on ne sait pas encore tout des rares masques Batcham, il faut les observer pour qu’ils parlent, au-delà de leur origine, de leur histoire, de leur traçabilité, explique l’expert. Celui-ci est lumineux grâce à son bois clair, majestueux par son allure générale et iconique, par sa puissante veine expressionniste et les exceptionnelles solutions plastiques qu’il suggère, inventées par le génie créateur du maitre-sculpteur, ici, anonyme. » Lumineux, notre masque a été sculpté dans une essence couramment appelée « Ebe », dont l’abattage, réglementé par le « Fo’ ô », est accompagné de rites divers. Et si le sculpteur de notre masque est anonyme, le résultat n’en est pas moins impressionnant par ses détails, sa précision et son équilibre. Esthétiquement, le masque est destiné à être apprécié sous tous les angles. Symboliquement, il représente la tête d’un hippopotame « Dzetshe » émergeant des eaux, un « Pi », double animal d’un grand dignitaire ou d’un chef « Fo’ ô » qui permet à l’individu d’avoir une double existence et de s’approprier les qualités de l’animal pour agir plus efficacement dans la vie communautaire. A noter qu’une analyse au carbone 14 a été réalisée sur le bois afin de déterminer une datation. Celle-ci se situerait entre 1806 et 1926.