
5 choses à savoir sur les artistes russes non-conformistes
Vendredi 22 février 2019 à Paris, la maison Ader organisera une grande vente d’art russe retransmise sur le Live d’Interencheres. Parmi les lots proposés, des œuvres de Boris Svechnikov, Ernst Neizvestny, Vladimir Yankilevsky, Erik Boulatov, Vladimir Nemukhin. Leur point commun ? Ils s’opposèrent, au cours de la seconde moitié du XXe siècle, à l’art officiel soviétique, et inventèrent un art « non-conformiste », en marge du réalisme socialiste soviétique. Retour sur ces artistes « underground » qui ont marqué l’histoire de l’art russe.
1. Ils se sont opposés au régime soviétique
En 1974, en marge des expositions officielles, un groupe d’artistes investit la ville de Moscou. A quelques encablures du parc Beliaïevo, ils exposent leurs dessins, en pleine rue. Oscar Rabin, Vladimir Nemoukhine, Alexandre Glezer, Evgueni Rouhkine figurent parmi les exposants. La répression ne se fait pas attendre : les autorités soviétiques envoient des bulldozers et détruisent l’ensemble des œuvres exposées. « En URSS, il existait à cette époque un art officiel, agréé par les instances d’État et placé sous l’autorité d’un ministère de la culture, détaille Nicolas Filatoff, expert en art russe. Selon le principe d’un régime totalitaire, quiconque dérogeait aux canons esthétiques officiels s’exposait à des représailles. » C’est ainsi que des artistes, communément appelés ‘non-conformistes’, organisaient des expositions clandestines, en plein-air ou au sein d’appartements privés, qui leur valaient d’être convoqués, arrêtés ou même emprisonnés par les autorités et le KGB.

Georgy Dmitrievitch Kiesewalter (né en 1955), Vadim Arisovitch Zakharov (né en 1959) Les ateliers, Deux tomes de photographies et interviews des artistes russes non-conformistes. Le premier tome a été édité en 1984 (rédigé en 1982 – 1983) et le second en 1985 (par G. D. Kiesewalter seul). Dédicacé par V. A. Zakharov à G. A. Matcheret. Estimation : 1 500 – 2 000 euros. Mis en vente par Ader le 22 février 2019 à Paris et sur le Live d’Interencheres.
2. Ils étaient considérés comme des artistes dégénérés
Les artistes non-conformistes prônent un art en marge du réalisme socialiste soviétique. Ce dernier, établi par le pouvoir communiste au lendemain de la révolution bolchévique, consistait en un art figuratif, donnant à voir, dans des postures héroïques, les travailleurs, les classes populaires et les défenseurs du régime. Tout autre courant artistique, non patriotique et contrevenant aux canons officiels, était alors proscrit et considéré comme étant « dégénéré ». « Êtes-vous hommes ou pédérastes ? », demandera Khrouchtchez en 1959 devant les toiles de ces artistes dits de la « Seconde avant-garde russe ».

Vladimir Borissovitch Yankilevsky (1938 – 2018), Compositions géométriques, crayons de couleur sur papier. Signé et daté [19]86 en bas à droite. 48,5 x 63,5 cm. Estimation : 800 – 1 000 euros. Mis en vente par Ader le 22 février 2019 à Paris et sur le Live d’Interencheres.
3. Ils sont contraints à l’exil
Persécutés, nombre d’artistes non-conformistes sont contraints de quitter leur terre natale pour rejoindre l’Europe ou les Etats-Unis. A la fin des années 1980, des peintres tels Ilya Kabakov, Erik Boulatov, Oscar Rabine ou Vladimir Yankilevsky rejoignent New York ou s’installent à Paris. Oscar Rabine est même déchu de sa nationalité au lendemain de l’ « Exposition Bulldozer ». Leurs noms font le tour du monde et deviennent, sous la plume de correspondants étrangers, les symboles du totalitarisme soviétique. Ce n’est qu’au cours des années 1990, à la faveur de la perestroïka menée par le président Gorbatchev, que les artistes sortent de la clandestinité et se voient pour certains restituer la nationalité russe.

Erik Vladimirovitch Boulatov (né en 1933), Arles sur Tech. Crayons de couleur. Signé en pied sur la droite. 41 x 33 cm (à vue). Estimation : 1 000 – 1 500 euros. Mis en vente par Ader avec un second dessin le 22 février 2019 à Paris et sur le Live d’Interencheres.
4. Ils n’ont jamais fait école
Opposés au réalisme socialiste, les artistes non-conformistes se regroupent sans pour autant faire école. Ils ne sont liés par aucun manifeste et empruntent des voies multiples. « Ils se connaissaient tous, se prêtaient leurs appartements pour organiser des expositions clandestines. Mais ils ne travaillaient pas ensemble. Aussi, les expositions dévoilaient des tendances diverses, sans unité particulière. » Ainsi, quand Oscar Rabine (1928-2018) s’inscrit dans la lignée de Chaïm Soutine ou Marc Chagall, à travers des vues urbaines entre expressionnisme et réalisme, Vladimir Yankilevsky (1938-2018) mêle l’abstraction à la figuration dans des œuvres de technique mixte et Vladimir Nemukhin (1925-2016) poursuit les compositions abstraites et géométriques de Kazimir Malevitch, au sein de collages et de cartes à jouer.

Vladimir Nikolaevitch Nemukhin (1925 – 2016), Hommage à Igor Chelkovsky. Collage sur une carte en bois représentant une oeuvre de Chelkovsky. Signée au dos, datée 95 et annotée « Avec respect pour l’auteur ». 14,8 x 10,5 cm. Estimation : 400 – 500 euros. Mis en vente par Ader le 22 février 2019 à Paris et sur le Live d’Interencheres.
5. Ils sortent aujourd’hui de l’oubli
Longtemps restés dans l’ombre de la clandestinité, les artistes non-conformistes sont redécouverts depuis quelques années, leurs œuvres prenant place dans de nombreux musées tels que le Musée russe de Saint-Pétersbourg, la Galerie Tretiakov, le Musée Pouchkine, ou encore le Centre Georges Pompidou. Aux enchères, les grands noms battent des records, à l’image d’Oscar Rabine dont un Violon au cimetière a été adjugé 250 000 euros à Londres en 2006. « Mais les œuvres de la plupart des artistes non-conformistes restent aujourd’hui très accessibles, plébiscitées par une poignée de connaisseurs », remarque Nicolas Filatoff. Lors de la vente organisée par la maison Ader le 22 février à Paris, il faudra ainsi compter entre 800 et 1 000 euros pour un dessin de Yankilevsky, autour de 500 euros pour un collage de Nemukhin, entre 1 000 et 1 500 euros pour un dessin signé Boulatov, ou encore entre 600 et 800 euros pour un paysage de Svechnikov. Des estimations accessibles pour les amateurs qui souhaiteraient se constituer une collection d’art russe et parier sur l’avenir prometteur d’artistes encore méconnus.
Retrouvez des Å“uvres d’artistes russes non-conformistes lors de la vente du 22 février à Paris
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