Antoine Bérard dévoile les coulisses des ventes de fonds d’atelier
Depuis plus de vingt ans, Maître Antoine Bérard, commissaire-priseur à Lyon, organise avec son associé Maître François Péron des ventes de fonds d’atelier. Après le succès de la dispersion des toiles de Jacques Truphémus en septembre 2018, il dévoile les coulisses de ces vacations à part, où un lien privilégié se noue avec l’œuvre et son auteur.
Dans quelles circonstances décidez-vous d’organiser une vente de fonds d’atelier ?
Le plus souvent la vente du fonds d’atelier intervient le jour où un artiste disparaît. Il demeure alors un important stock d’œuvres que les héritiers doivent gérer. Ils peuvent décider de tout conserver, de confier les œuvres à un musée si la notoriété de l’artiste le permet, ou encore de vendre l’ensemble. La vente de l’atelier est alors un bon moyen. Mais nous conseillons aux héritiers de garder suffisamment d’œuvres emblématiques pour répondre à d’éventuelles demandes d’institutions culturelles qui souhaiteraient organiser une exposition.
Les ventes de fonds d’atelier demandent-elles une organisation particulière ?
Oui, il faut retracer au mieux la carrière de l’artiste. Cela demande de travailler en étroite collaboration avec les héritiers. Durant plus de six mois, nous étudions le parcours en profondeur et dialoguons avec la famille qui nous fournit parfois des documents très personnels. Nous découvrons alors la vie, la personnalité de l’artiste. Ce sont des ventes très émouvantes durant lesquelles nous entrons dans l’intimité de l’artiste et devenons en quelque sorte les spécialistes de son œuvre. Dans le cas de Jacques Truphémus, nous avons pu aller sur place, dans sa maison du Vigan. Cela nous a permis de découvrir le lieu où il a peint la quasi-totalité de ses toiles au cours des dix dernières années de sa vie.
« Ce sont des ventes très émouvantes durant lesquelles nous entrons dans l’intimité de l’artiste et devenons en quelque sorte les spécialistes de son œuvre. »
La vente de l’atelier de Jacques Truphémus a été un véritable succès populaire. Mais la dispersion en une seule vacation d’un tel ensemble ne représente-t-elle pas un risque pour la cote de l’artiste ?
Il est vrai que nous nous exposons au risque de voir la cote chuter. Il m’est arrivé plusieurs fois de refuser de vendre un atelier car j’estimais que le risque était trop important et qu’il était préférable de vendre quelques œuvres séparément. Il ne faut pas que le recours à ce type de vente soit systématique, et il convient d’organiser les choses intelligemment. Par exemple, pour l’atelier du peintre Pierre Pelloux, nous avons décidé de disperser le fonds sur trois ans, afin de ne pas propulser deux cents œuvres sur le marché d’un seul coup. Pour l’atelier du peintre lyonnais Jacques Truphémus, le cas était différent car ses œuvres sont rares et très recherchées. Aussi, nous savions qu’en dispersant cent quatre-vingt pièces en une seule vente, les enchérisseurs seraient au rendez-vous et qu’aucune œuvre ne serait laissée pour compte.
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