
De Matisse à Wolinski : une collection insolite d’enveloppes illustrées aux enchères à Paris
Durant une vingtaine d’années, Pierre-Stéphane Proust, un passionné d’histoire postale, a réuni des milliers d’enveloppes illustrées par des peintres, dessinateurs, street artistes, couturiers d’hier et d’aujourd’hui, constituant ainsi l’une des premières collections de Mail Art. Collectionneur invétéré, il cède aujourd’hui une part de son petit musée personnel aux enchères. Ce sont ainsi près de 300 enveloppes qui seront mises en vente par la maison Ader mardi 27 mars 2018 à Paris. Signées d’artistes aussi divers qu’Henri Matisse, Chu Teh-Chun, Julio le Parc, Claude Viallat, Speedy Graphito, Plantu, Cabu, ou Ben, elles dévoilent une part plus intimiste de leur œuvre, tour à tour émouvante ou humoristique.
Depuis les années 1990, Pierre-Stéphane Proust s’est donné tout entier à une seule passion : le « Mail Art », un art né au XIXe siècle et consistant à adresser par la poste un courrier illustré. « Ce collectionneur a réuni durant près de vingt ans un ensemble incroyable de près de 300 enveloppes illustrées qui offrent un panorama remarquable, explique Cannelle Abdelaziz de la maison de ventes Ader qui dispersera une partie de la collection mardi 27 mars à Paris. Elles réunissent l’art moderne, abstrait et contemporain (Yves Klein, Henri Matisse, Alexandre Calder, Jean-Michel Folon, Julio Le Parc, Claude Viallat, Ben, Chu Teh Chun, etc…), la figuration narrative (Gérard Fromanger, Erro, Cueco), l’univers fantastique et imaginaire (Jacques Castel, Sylvio Cadelo, Michel Naze, Aube Ellouet-Breton), le street art (Speedy Graphito, Mesnager, Artof Popof), ainsi que le monde de la bande dessinée, le dessin de presse (Philippe Geluk, Charb, Tignous, Wolinski), et enfin le trompe-l’œil (Didier Altmeyer, Elena et Michel Gran, Bernard Vernochet, Louis Severin, Yves Pallies). Les techniques sont elles aussi diverses : crayon de couleur, gouache, aquarelle, gravure, collages, techniques mixtes, pop-up. Chaque artiste laisse ainsi libre court à son imagination sur un seul et même support, l’enveloppe, qu’il crée parfois lui-même. Un tel ensemble réuni est certainement une grande première en vente aux enchères ! Habituellement, ces œuvres sont proposées de façon isolée et ponctuelle à des ventes d’autographes. »

Chu TEH-CHUN (né en 1920) Composition, 2001 Gouache sur enveloppe. Signée et datée en chinois et en français, adressée. Joint : lettre autographe signée : « Je vous envoie ci-joint l’enveloppe peinte que vous m’avez demandée et vous souhaite la bonne réception ». Egalement, une lithographie signée et numérotée sur 2 000 et 2 cartes autographes signées. 16 x 23 cm – Bibliographie : Psp2, p. 229, Larg. : 23,00 – Haut. : 16,00 (cm). Estimation : 10 000 – 15 000 euros.
La collection d’un passionné d’histoire postale
« Avant de commencer cette collection, j’étais passionné par la philatélie et l’histoire postale, confie le collectionneur Pierre-Stéphane Proust. Mais un jour, au début des années 1990, j’ai trouvé dans une brocante une enveloppe datée de la fin du XIXe siècle et illustrée à la main. J’ai été touché par l’audace de ces artistes qui n’hésitèrent pas à envoyer ces trésors inestimables et à les porter à la vue même des postiers. Aucune autre forme de collection ne me paraissait aussi insolite et même spectaculaire, si l’on songe aux peintres, écrivains ou dessinateurs de renom qui s’y sont attelés, tels Jacques Prévert ou Yves Klein ! » Ce curieux dans l’âme commence alors à collectionner les enveloppes anciennes, puis, en 1996, décide de solliciter directement les artistes contemporains. Instituteur depuis près de trente ans, il abandonne l’enseignement pour se consacrer entièrement à sa nouvelle passion. En collaboration avec une association normande, il propose à des peintres, sculpteurs, illustrateurs, street artistes, couturiers, calligraphes de publier et d’exposer une enveloppe spécialement conçue pour l’occasion, en regard d’une de leurs œuvres originales. « Mon but était de réunir les artistes les plus divers autour d’un même support : l’enveloppe. J’ai réalisé une vingtaine d’expositions, que ce soit au Musée de La Poste de Paris, au parc Floral, au Grand Palais ou dans des centres d’art contemporain régionaux. Une œuvre de Wolinski pouvait ainsi se retrouver à côté d’une enveloppe de Gérard Fromanger ou de Speedy Graphito ! »

Jacques PREVERT (1900-1977) Femme poisson Collage sur enveloppe. Adressée à Albert Mermould, La guilde du Livre, à Lausanne. Au verso, collage d’un rongeur avec mention manuscrite de l’expéditeur. 24.5 x 30.5 cm – Provenance : Succession Albert Mermoud. Librairie J.C. Vrain. Larg. : 31,00 – Haut. : 25,00 (cm). Estimation : 2 000 – 3 000 euros.
Une aventure artistique et humaine
Pour réunir plus de 5 000 enveloppes, le collectionneur multiplie les courriers. « J’ai envoyé des milliers de lettres et une fois que les artistes acceptaient et se mettaient à l’ouvrage, je leur laissais toujours la possibilité de conserver ou non leur œuvre. Mais la plupart ont eu l’immense gentillesse de m’en faire cadeau. » Au gré des expositions et des publications, Pierre-Stéphane Proust noue de véritables liens d’amitié avec ses correspondants et engage avec nombre d’entre eux une relation épistolaire au long cours. « Cette collection, c’est une aventure artistique mais aussi humaine. Aussi, lorsque j’ai écrit par exemple au célèbre peintre chinois Chu Teh-Chun, je ne me rendais absolument pas compte que je m’adressais à un artiste aussi coté, dont les œuvres s’envolent aux enchères à plusieurs millions d’euros ! Je m’intéressais aux œuvres, à la personne elle-même, avant de penser à leur notoriété. » Lorsqu’on lui demande quelles sont les enveloppes de la vente qu’il préfère, Proust donne ainsi les noms méconnus de René Quilivic, Frédéric Menguy, Henri Cueco, Victor Laks, Carlos Cruz-Diez ou Maurice Chataignier. « Derrière chaque dessin, chaque lettre, se cache d’abord une personne. J’ai d’ailleurs conservé de nombreux courriers, les plus sentimentaux, que m’ont adressés ces artistes devenus depuis de véritables amis. »

Henri CUECO (1929-2017) Bains de mer Aquarelle et encre sur papier contrecollé sur enveloppe. Signée, adressée. 22.5 x 32.5 cm, Larg. : 33,00 – Haut. : 23,00 (cm). Estimation : 400 – 500 euros.
Des enveloppes estimées de 60 à 15 000 euros
De telles pièces sont difficiles à estimer, à mi-chemin entre l’autographe, le témoignage intime et le dessin. « Certaines sont des œuvres très abouties, à l’image de la gouache absolument remarquable de Chu Teh-Chun, expédiée en 2001 et que nous avons estimée entre 10 000 et 15 000 euros, détaille Cannelle Abdelaziz. On y retrouve le paysagisme abstrait qui le caractérise, avec de libres pointes de couleurs vives : rouge, jaune, orange, vert, noir et blanc se mêlent sur un fond bleu nuancé. De même, le Paysage fantastique du peintre « naïf » Michel Naze, estimé entre 100 et 150 euros, est lui aussi tout à fait étonnant ! » Du dessin humoristique de Philippe Geluk (estimé entre 200 et 300 euros) au collage du Nouveau Réaliste Jean Tinguely (estimé entre 2 000 et 3 000 euros), en passant par un dessin du street artiste Speedy Graphito (estimé entre 600 et 800 euros), une composition du peintre argentin Julio Le Parc (estimée entre 800 et 1 000 euros), une illustration enfantine de l’artiste quimpérois Bernard Jeunet (estimé entre 150 et 200 euros), ou des enveloppes illustrées par les peintres de la figuration narrative Gérard Fromanger (œuvre au feutre estimée entre 600 et 800 euros) et Michel Tyszblat (gouache estimée entre 200 et 300 euros), la vente devrait attirer des enchérisseurs de tous les horizons. « Elle s’adresse aussi bien aux passionnés de dessins, que de bandes-dessinées et d’autographes ».
Retrouvez toutes les enveloppes mises en vente le 27 mars à Paris
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