[Exposition] Les dioramas : du Palais de Tokyo aux enchères
Des premières nativités aux créations contemporaines en passant par des tableaux animés par des jeux de lumière, les maquettes de bateaux ou les taxidermies, le Palais de Tokyo explorait du 14 juin au 10 septembre 2017, un mode de représentation original, aux frontières de l’art et de la science : le diorama. « Merveille du siècle » pour Balzac, il était jusqu’alors tombé dans l’oubli. Mais c’était sans compter cette grande rétrospective qui la mis à l’honneur dans le centre le plus emblématique de la création contemporaine à Paris. Un succès muséal qui pourrait susciter aux enchères un regain d’intérêt de la part des acheteurs. Retour sur les trois types de diorama les plus fréquents aux enchères…
Un autel religieux en vitrine
Avant les casques de réalité virtuelle, les jeux vidéo ou le cinéma, le diorama nourrissait déjà ce fantasme d’un monde mêlant fiction et réalité. Avec pour seuls éléments une boîte, une vitre, un fond peint et quelques personnages ou objets de décor modelés, il donne vie à des mises en scène fascinantes, laissant libre court à l’imagination. C’est au XVIe siècle qu’apparaissent les premiers dioramas. Les églises et couvents se laissent séduire par ces petites reconstitutions en volumes de nativités, crucifixions et autres scènes bibliques que l’on qualifie de « Paradis ». Mieux que les fresques, les bas-reliefs ou les peintures, ces dioramas particulièrement réalistes s’imposent comme le moyen idéal pour diffuser la foi chrétienne. « Très souvent, ces scènes religieuses se mêlent au profane, à la manière des crèches provençales. La scène religieuse au centre est alors entourée de paysans ou de pêcheurs. » Le fidèle peut ainsi se projeter pleinement dans l’image.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la ville de Nevers devient un haut lieu de production du verre filé, matériau avec lequel sont produits de nombreux dioramas, obtenu grâce à l’étirement du verre sous haute température. « Ce sont les pièces qui se vendent aujourd’hui le mieux en matière de diorama, explique Maître Julien Pichon de la maison de vente Azur Enchères. Elles sont particulièrement recherchées et rares du fait de la fragilité du verre. » Ces œuvres atteignent alors des prix plus importants que ceux en bois sculpté et papier peint. « Plus le diorama est fourni, avec des personnages et des couleurs, plus il plaît ». Le commissaire-priseur a ainsi adjugé en 2016 à Cannes une Nativité en verre filé à 12 000 euros.
Un voilier miniature
« Aux enchères, les dioramas les plus fréquents sont les dioramas maritimes, datant notamment du XIXe siècle », explique Martine Houze, experte en art populaire. A partir des années 1800, les marins pêcheurs occupent leurs longues traversées en construisant des maquettes de leurs voiliers. Souvent en bois et réalisées à l’aide des matériaux et outils disponibles à bord, elles leur offraient un instant d’évasion et leur permettaient de conserver le souvenir de leur virée une fois de retour sur terre.
Certaines faisaient quant à elles office d’ex-voto, placées en offrandes dans des chapelles privées ou églises en remerciement pour avoir vaincu une tempête. « En vitrine ou sous forme de tableau mural, les dioramas de bateaux se vendent à partir d’une centaine d’euros et peuvent atteindre quelques milliers d’euros en fonction de la qualité de la maquette. Le marché de ce type d’objet reste national. Les maquettes françaises intéressent davantage les collectionneurs français, les maquettes anglaises séduisent les anglais, etc. »
Un zoo en boîte
Les taxidermies sous forme de diorama parcourent aussi régulièrement les enchères. Nés au XIXe siècle, ces nouveaux modes de présentation apparaissent alors qu’une conscience écologique s’installe progressivement. Les animaux ne sont plus empaillés à des seules fins de préservation scientifique, mais mis en scène dans des vitrines réalistes et grandeur nature, reconstituant leur milieu d’origine. Ces dioramas remplacent la traditionnelle classification scientifique, en théâtralisant le mode de vie des animaux. La nature s’offre alors dans toute sa splendeur, du lion chassant une antilope, aux dizaines d’espèces d’oiseaux perchés sur un arbre.
C’est vers 1870 que l’établissement londonien Rowland Ward initie ces premiers « habitats de groupe », où les animaux sont présentés ensemble dans leur environnement naturel. La pratique se popularise et intègre très vite les musées d’histoire naturelle, qui se laissent séduire par leur intérêt pédagogique. Aux enchères, l’ancienneté et la rareté des spécimens justifient des adjudications allant de quelques dizaines à plusieurs milliers d’euros.
L’exposition du Palais de Tokyo pourrait-elle relancer la mode du diorama ?
« Depuis quelques années, il y a un regain d’intérêt très net des acheteurs pour les cabinets de curiosités. De nombreux internautes partagent sur les réseaux sociaux des photos d’objets de curiosités et les dioramas pourraient s’inscrire dans cette tendance. Par exemple, les globes renfermant des oiseaux perchés sur des branches sont très recherchés en ce moment sur le marché. »
Maître Hubert Lavoissière, commissaire-priseur à La Rochelle
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