
L’atelier de Robert Droulers dispersé aux enchères à Paris
Après une rétrospective en 2023 au musée de la Piscine à Roubaix, Robert Droulers sera à l’honneur le 28 mars à Paris, à l’occasion de la vente par la maison Crait + Müller de plus de 200 œuvres provenant de son atelier.
Robert Droulers (1920-1994), le nom de cet artiste discret résonnait il y a peu dans l’enceinte du musée d’Art et d’Industrie de Roubaix. Au printemps 2023, la Piscine consacrait à l’enfant du pays une importante rétrospective. « Cet événement remarquable, organisé conjointement avec le musée Estrine de Saint-Rémy-de-Provence, a permis d’apprendre à connaître l’épatante vie artistique et l’Œuvre, aussi immense que varié, de cet artiste d’une infinie sincérité », souligne l’expert Damien Voutay qui s’apprête à organiser, avec la maison Crait + Müller, une autre rétrospective, en dévoilant aux enchères plus de 200 œuvres provenant de l’atelier de Robert Droulers – un musée éphémère à découvrir, le temps d’une vente, le 28 mars à Paris. « Nous souhaitons avec la vente de son atelier voir ses œuvres circuler et ainsi prolonger le travail de reconnaissance qu’ont initié les organisateurs de la rétrospective de Roubaix », confie Matthias Droulers, l’un des petits-fils de l’artiste à l’origine de l’événement.
Robert Droulers et le Groupe de Roubaix
Sa vocation, Robert Droulers la doit à la découverte fortuite de la boîte de couleurs de son arrière-grand-père – le jeune homme, âgé de 15 ans, rêve dès lors en touches et couleurs. En autodidacte, il livre des premières œuvres évoquant volontiers les compositions expressionnistes de Georges Rouault, brossées en d’épais coups de pinceaux noirs, avant d’emprunter la voie d’un art informel puis abstrait, guidé par Eugène Leroy, avec lequel il partage un même travail sur la matière picturale, et l’effervescence artistique que connaît alors sa région du Nord. « Sans regarder vers Paris, une fulgurante identité artistique s’impose dans cette belle province, avec le soutien de galeristes convaincus et d’industriels mécènes, favorisant l’avènement du Groupe de Roubaix ou de l’Atelier de la Monnaie à Lille, réunions informelles d’artistes sans concession, dont les engagements rigoureux n’excluent pas le caractère facétieux », détaille Damien Voutay. Par l’intermédiaire d’Eugène Leroy, Robert Droulers rencontre en 1948 les jeunes peintres et sculpteurs Eugène Dodeigne, Jean Roulland, Jacky Dodin, Paul Hémery, Michel Delporte, Pierre Hennebelle et Arthur Van Hecke, avec lesquels il expose au Salon des Réalités Nouvelles et dans les galeries à Lille, Bruxelles et Roubaix – ils seront désignés plus tard sous le nom de Groupe de Roubaix. « Les années 1950-1960 correspondent à une période de consécration pour Robert Droulers, détaille Damien Voutay. Il participe notamment en 1957 à l’exposition La Nouvelle Ecole de Paris qui se tient à Düsseldorf et Bonn, en Allemagne, et qui est un événement important qui consacre l’abstraction telle qu’on la pratique alors à Paris, empreinte de lyrisme. Robert Droulers y présente ses œuvres aux côtés des peintres Atlan, Hartung, Lanskoy, Schneider ou encore Soulages. »
Une poésie de l’intime
Etabli à Lambersart, Robert Droulers mène une double vie – il peint la nuit et travaille le jour au sein de la filature familiale. « Et un jour l’usine a fermé suite à la construction d’une autoroute qui passait en plein milieu. Il a alors décidé de déménager dans le sud. A partir de ce moment-là, son travail prend un tout autre tournant », raconte Matthias Droulers.
En Provence, Robert Droulers achète une maison à Murs qu’il restaure et pour laquelle il conçoit le mobilier, avant d’habiter Aix-en-Provence de 1973 à 1980, et de s’établir finalement à Saint-Rémy-de-Provence. Au contact de la lumière provençale, l’artiste illumine sa palette. Ses œuvres bientôt se dépouillent, la peinture dense et sombre de Lambersart laisse place à une matière plus fluide, et la figuration reprend ses droits. « Sa période industrielle des années 1950-1960 est celle qui généralement suscite le plus d’intérêt de la part des amateurs, mais je suis pour ma part davantage attaché au travail figuratif de ses œuvres tardives. Je les aime aussi, sans doute, parce que je les ai vues, petit, en cours de création, et que la figuration est un langage davantage accessible lorsque l’on est enfant, avec des personnages auxquels on peut s’identifier », confie Matthias Droulers.
Ici un paysage nébuleux, là une foule de personnages indistincts ; abstraites ou figuratives, les toiles de Robert Droulers transcendent la réalité du monde. L’artiste ne titre guère ses tableaux, il préfère laisser libre cours à l’imagination, suggérer, plutôt que décrire et imposer. « Robert Droulers, résume Damien Voutay, est un artiste à apprivoiser. Il nous invite à un voyage dans la joie de la contemplation et l’ivresse de l’introspection ». Une poésie de l’intime à découvrir vendredi à Paris.