
Le Démocrite perdu de Joachim Wtewael refait surface dans les Ardennes
Un tableau du maître flamand maniériste Joachim Wtewael a été retrouvé dans une propriété des Ardennes. Ce portrait du philosophe Démocrite, peint au tournant du XVIIe siècle, n’était connu des historiens de l’art que par l’intermédiaire de copies.
Le commissaire-priseur Martial Bournier a découvert, à l’ombre d’une demeure située dans les Ardennes, une œuvre exceptionnelle signée du plus grand artiste maniériste néerlandais du XVIIe siècle, Joachim Wtewael (1566-1638). Les historiens de l’art avaient perdu la trace de ce tableau qu’ils connaissaient par l’intermédiaire de copies. L’œuvre, donnant à voir le Philosophe Démocrite, fonctionnait en pendant avec un portrait d’Héraclite, dont l’original manque encore à l’appel.
Joachim Wtewael, un maître du maniérisme flamand
Né à Utrecht, aux Pays-Bas, Joachim Wtewael a fait ses premières gammes dans l’atelier de gravure de son père, avant de s’atteler à la peinture auprès de Joos de Beer et d’entreprendre un voyage initiatique en France, à Saint-Malo notamment, et en Italie. Lors de ses séjours, l’artiste découvre, entre autres maîtres, les membres maniéristes de l’école de Fontainebleau, dont il reprend la manière à son retour à Utrecht en 1592, où il reçoit également l’influence de Bartholomeus Spranger. Aux Pays-Bas, il devient l’un des chefs de file de l’école maniériste avec Goltzius, Bloemaert et Cornelisz van Haarlem.

Joachim Wtewael (Utrecht 1566 – 1638), Le philosophe Démocrite. Panneau de chêne, une planche, non parqueté, 31,4 cm x 24,5 cm. Estimé entre 30 000 et 50 000 euros.
Un portrait de Démocrite estimé à plus de 30 000 euros
Notre tableau est un bel exemple du traitement maniériste qu’il adopte au tournant du XVIIe siècle à Utrecht, où fleurit concomitamment l’école caravagesque. On y retrouve des contrastes colorés affirmés avec une opposition franche de rouges et de verts, la ligne serpentine dessinant des doigts et des mains contorsionnés, ainsi qu’une composition en trompe-l’œil avec un cadre ovale en faux marbre.
Le sujet, tiré d’une légende antique, fut représenté par divers peintres du Siècle d’or, à l’instar de Cornelis van Haarlem, Jan Wouters dit Stap, Rubens ou Ribera. Il oppose Démocrite, le philosophe qui se rit de la sottise humaine, à Héraclite, le philosophe pessimiste qui pleure les vices du monde terrestre. Le tableau a été expertisé par Stéphane Pinta du cabinet Turquin et sera vendu aux enchères le 1er juillet à Charleville-Mézières, avec une estimation de 30 000 à 40 000 euros.