Le 13 mai 2024 | Mis à jour le 14 juin 2024

Léonard Pomez : « Les commissaires-priseurs de province ont un rôle primordial à jouer au sein de la profession. »

par Diane Zorzi

Fils et petit-fils de commissaire-priseur, Léonard Pomez a rejoint en 2015 l’aventure familiale pour exercer au sein de la maison de vente Boisseau-Pomez à Troyes. Ce fervent partisan des maisons de vente de province revient sur son parcours et livre sa vision d’un métier en perpétuel renouvellement.

 

Qu’est-ce qui vous a amené à devenir commissaire-priseur ?

Mon grand-père était commissaire-priseur à Troyes et a été rejoint ensuite par mon père. De ce fait, j’ai été baigné depuis mon plus jeune âge dans le milieu des ventes aux enchères. Je fréquentais régulièrement la salle des ventes familiale. Mais alors que l’on me répétait sans cesse que j’emprunterais la même voie, je voulais, adolescent, exercer tous les métiers du monde sauf celui de commissaire-priseur ! L’esprit de contradiction, de rébellion, propre aux adolescents, certainement… On ne tombe pas dedans lorsqu’on est petit finalement ! A l’âge de 18 ans, j’ai commencé des études de droit puis, arrivé en master à Dijon, je cherchais un emploi d’étudiant et j’ai donc rejoint l’étude de Christophe et Guilhem Sadde, eux-mêmes fils de commissaires-priseurs. C’est en observant ces deux trentenaires exercer leur métier que j’ai eu envie de me lancer à mon tour. A l’issue de mon master de droit, j’ai embrayé sur des études d’histoire de l’art à la Sorbonne. J’ai également fait des stages avec mon père et son associé, Philippe Boisseau. A partir de ce moment-là, j’ai réalisé combien ce métier était enthousiasmant et me suis inscrit à l’examen d’accès au stage de commissaire-priseur, que j’ai obtenu du premier coup.

 

« Mon grand-père était commissaire-priseur à Troyes et a été rejoint ensuite par mon père. De ce fait, j’ai été baigné depuis mon plus jeune âge dans le milieu des ventes aux enchères. »

 

Au cours de vos deux années de stage, vous avez choisi de vous former au sein des études parisiennes Gros & Delettrez et Fraysse & associés. Que retenez-vous de ces deux expériences ?

Chez Gros & Delettrez, j’ai découvert les ventes de mode et la puissance étonnante de ce marché. Je n’en revenais pas que l’on puisse vendre un sac à main Chanel plus cher qu’une commode du XVIIIe siècle ou un tableau ancien ! Je me suis également familiarisé avec les ventes de tableaux orientalistes qui comptent parmi les spécialités de cette maison, précurseur en la matière. Chez Fraysse & associés, j’ai eu le plaisir de m’occuper de nombreuses successions. J’ai beaucoup appris en termes de logistique et j’ai également découvert l’univers de l’orfèvrerie que je connaissais assez peu. Mais lorsque j’ai eu mon diplôme, j’ai décidé de rejoindre l’étude familiale à Troyes. Si ces expériences parisiennes ont été particulièrement enrichissantes, je reste un fervent partisan des études installées en région. Les commissaires-priseurs de province ont un rôle primordial à jouer au sein de la profession et ce d’autant plus depuis l’arrivée des ventes live qui permettent de vendre des chefs-d’œuvre aux quatre coins de la France.

 

 

Quelle est la vente qui vous a le plus marqué ?

La vente en 2018 du panneau La traversée de la mer Rouge de Frans Francken II (1581-1642), découvert dans notre département. Nous avons mené une importante campagne de promotion qui a permis de donner à cet événement un retentissement international. Le tableau a finalement été adjugé 1,5 million d’euros, à l’issue d’une bataille d’enchères entre des collectionneurs du monde entier, et il est désormais conservé dans une fondation en Hollande. Il s’agissait du record d’enchères de notre maison de ventes qui fêtait ses soixante ans d’existence. C’était une vente spectaculaire. Prononcer une adjudication millionnaire n’arrive qu’une fois dans la carrière d’un commissaire-priseur !

La vente du Bouquet de fleurs de Maria Van Oosterwyck (1630-1693) à 806 000 euros l’an dernier était également émouvante. Elle consacrait le talent d’une artiste femme méconnue du XVIIe siècle. Et puis il y a aussi cette découverte insoupçonnée en 2015 d’un surtout de table de François-Xavier Lalanne (1927-2008) représentant un canard en porcelaine blanche avec des nénuphars. Son propriétaire nous l’avait apporté car il souhaitait s’en débarrasser. Il lui déplaisait esthétiquement et son épouse le qualifiait même de « nid à poussière » ! Il n’y avait pas de commissaire-priseur présent à l’étude lors de sa venue. Il l’a donc confié en dépôt à notre secrétaire, précisant que si nous l’estimions sans valeur nous pouvions le jeter directement à la poubelle ! Il ignorait qu’il s’agissait d’une œuvre de Lalanne. En définitive, le lot a été adjugé près de 80 000 euros. Ce résultat était d’autant plus satisfaisant que le propriétaire m’a confié, à l’issue des enchères, qu’il allait pouvoir s’offrir un voyage avec son épouse, chose qu’il n’avait pu faire depuis dix ans.

 

« Les commissaires-priseurs de province ont un rôle primordial à jouer au sein de la profession et ce d’autant plus depuis l’arrivée des ventes live qui permettent de vendre des chefs-d’œuvre aux quatre coins de la France. »

 

Quelle est votre dernière découverte ?

J’ai été sollicité pour vider une maison, dans le cadre d’une succession. Le bâtiment était dans un état déplorable. La propriétaire avait fini ses jours seule, dans la misère, sans laisser d’héritier direct. Lors de l’inventaire, nous avons parcouru chaque pièce, et alors que nous nous apprêtions à quitter les lieux, j’ai aperçu un miroir qui dépassait d’un des cartons entreposés au grenier. J’ai reconnu immédiatement la forme emblématique des miroirs de Line Vautrin (1913-1997) qui se vendent aujourd’hui à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Il y a un réel engouement autour de cette artiste, notamment depuis une vente réalisée dans l’émission Affaire conclue qui a probablement contribué à la faire connaître du grand public. Sans notre passage, ce miroir aurait probablement fini à la déchetterie.

 

 

Quelle est votre spécialité de prédilection ?

J’apprécie particulièrement les ventes de montres qui sont des objets à la fois décoratifs et utilitaires. Je collectionne d’ailleurs les montres anciennes que j’aime adapter à chacune de mes tenues. Mais ce qui me fascine davantage c’est le mécanisme des enchères. Un commissaire-priseur est capable de tout vendre, des timbres aux engins industriels et aux cartes Pokémon. Notre rôle est de vendre les objets que nos vendeurs nous confient à son juste prix. Notre maison de vente n’a pas réellement de spécialité et c’est certainement ce qui fait toute sa richesse. Nous vendons près de 40 000 lots par an, ce qui représente l’un des plus gros volumes sur le marché français.

 

A quoi ressemble le quotidien d’un commissaire-priseur ?

Nous alternons entre les journées de vente et leur préparation. Le matin, en arrivant à l’étude, j’ai l’habitude de traiter les mails de nos clients, vendeurs ou acheteurs qui nous sollicitent pour des expertises ou souhaitent connaître l’avancée de leur dossier. Lorsqu’aucune vente n’est prévue, les inventaires occupent une grande partie de la journée. Mais ce qui me plaît le plus dans mon métier reste l’animation de la vente et sa promotion en amont, qu’il s’agisse de vendre des cartes Pokémon, des voitures, des diamants ou des tableaux du XVIIe siècle. Nous devons sans arrêt nous renouveler, en utilisant les nouvelles méthodes de communication qui s’offrent à nous.

 

« Un commissaire-priseur est capable de tout vendre, des timbres aux engins industriels et aux cartes Pokémon. Notre rôle est de vendre les objets que nos vendeurs nous confient à son juste prix. »

 

Quelle est pour vous la qualité essentielle dont doit faire preuve un commissaire-priseur ?

Le dynamisme, la réactivité… Un commissaire-priseur doit tout mettre en œuvre pour satisfaire ses clients. Il doit innover, être sans arrêt en alerte et se renseigner sur les nouvelles méthodes de communication afin de mettre en valeur les objets qui lui sont confiés et ainsi obtenir le meilleur prix. Un commissaire-priseur même doué de grandes connaissances sera jugé par ses clients sur le prix obtenu. Il doit soigner la promotion, solliciter les journalistes et, le jour J, faire en sorte de faire passer un agréable moment au public. La vente aux enchères doit être animée de la même manière qu’un spectacle. Il convient de trouver les meilleurs arguments pour convaincre les enchérisseurs. Nous partons du principe qu’un client qui acquiert un lot dans la bonne humeur ne regrettera pas son achat.

 


*Photo en Une : Spot télévisé Interencheres diffusé à partir du 2 mai sur France 2 dans le cadre d’un parrainage avec l’émission Affaire conclue.

Autres photos © Abel Llavall-Ubach

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