
Les emblèmes des mousquetaires noirs aux enchères dans le Loiret
Un ensemble exceptionnel des six emblèmes de la seconde compagnie des mousquetaires du roi Louis XVIII animera une vente historique le 27 janvier à Montargis, dans le Loiret. Il était conservé depuis l’origine dans le famille du marquis de La Grange qui prononça en 1815 le dernier discours des mousquetaires noirs avant leur dissolution.
[Mise à jour, 29 janvier 2024] Les emblèmes des mousquetaires noirs ont été adjugés 148 000 euros (frais inclus).
C’est lors d’un inventaire, dans le Giennois, qu’Olivier Baron a découvert ces six emblèmes de la seconde compagnie des mousquetaires du roi Louis XVIII. « En les découvrant dans le garage j’ai tout de suite compris que j’avais devant moi des objets sortant de l’ordinaire, détaille le commissaire-priseur. J’ai alors contacté le cabinet d’expertise Jean-Claude Dey et c’est Arnaud de Gouvion Saint-Cyr qui en a fait la fiche et l’historique ». L’ensemble, qui sera présenté aux enchères le 27 janvier à Montargis, se compose d’un drapeau, d’un étendard, de quatre flammes, de quatre cordons et de deux cravates, le tout en soie et richement brodé. Autant d’éléments demeurés dans un état de conservation remarquable. « Les pièces ont été encadrées et rangées à l’abri de la lumière et de la poussière », précise Olivier Baron. Cet ensemble fut donné par le roi Louis XVIII le 31 décembre 1815 à Adelaïde Blaise François Le Lièvre, marquis de La Grange et de Fourilles (1766-1833), et demeurait jusqu’alors dans sa descendance.
Un témoignage de la dissolution des compagnies de mousquetaires du Roi
La compagnie des mousquetaires, popularisée par Alexandre Dumas dans son célèbre roman Les Trois mousquetaires, est l’un des corps qui composaient la maison militaire du roi de France. La première compagnie fut créée en 1622 pour la protection du roi, et la seconde en 1626 pour protéger le cardinal de Richelieu. Les mousquetaires tiennent leur nom de leur mousquet, une arme plus puissante que l’arquebuse que leur attribua Louis XIII. Durant la seconde moitié du XVIIe siècle, leurs noms se dotent d’un nouveau qualificatif relatif à la couleur de la robe de leurs chevaux : les « mousquetaires gris » pour la première compagnie, les « mousquetaires noirs » pour la seconde.
Ce corps d’élite, composé de gentilhommes valeureux, est remercié et réhabilité à plusieurs reprises à partir de la fin du XVIIIe siècle, avec un premier démantèlement initié par Louis XVI en 1775 pour raison financière. La suppression des compagnies ne sera véritablement effective qu’en 1816, suite à la publication de deux ordonnances, la première prévoyant son remplacement par la garde royale le 1er septembre 1815, la seconde prorogeant son exercice jusqu’au 1er janvier 1816.
La veille, Louis XVIII annonça au Comte de Durfort qu’il donnait aux capitaines lieutenants de sa « Maison rouge » les étendards et drapeaux des compagnies supprimées. Lors d’un banquet, qui réunit pour la dernière fois les compagnies, le marquis de la Grange prononça un discours à destination des mousquetaires noirs, qui se termine en ces termes : « Emporter ainsi à nos derniers instants l’estime de tous, c’est finir en chevaliers français, en bons et preux mousquetaires, qui peuvent être séparés mais non désunis et qui se retrouveront en tous temps, en tous lieux, pour le service du Roi et la salut de la France. Vive le Roi ! »
« Notre ensemble, remis au marquis de la Grange, fait ainsi pendant aux emblèmes de la première compagnie donnés quant à eux à leur commandant, le maréchal de Lauriston, et conservés aujourd’hui dans des collections publiques et particulières, précise l’expert Arnaud de Gouvion Saint-Cyr. Chaque compagnie de mousquetaires ne possédait qu’un drapeau, un étendard et en théorie huit flammes de trompette. Toutefois, le commandant de la première compagnie, Lauriston, ne possédant que quatre flammes (dispersées en vente publique le 26 octobre 1972), on peut penser qu’en l’absence d’autres flammes connues, nous avons ici l’intégralité des emblèmes de la seconde compagnie de mousquetaires du Roi. »

Ensemble exceptionnel des six emblèmes de la seconde compagnie des mousquetaires du Roi Louis XVIII, compagnie « des mousquetaires noirs ». Époque Première Restauration (1814-1815). Estimation : 120 000 – 150 000 euros.
Des emblèmes donnés par Louis XVIII au marquis de La Grange
Le marquis de La Grange, à qui furent remis les emblèmes de la seconde compagnie, servit dans différentes unités de cavalerie entre l’Ancien Régime et la Révolution. D’abord volontaire au bataillon d’Artois, c’est en tant que colonel qu’il combat en 1792 à la bataille de Valmy, avant d’obtenir, pour sa bravoure lors de la bataille d’Heilsberg, le grade de général de brigade en 1807. « Employé avec son nouveau grade à la 2e division de cavalerie de réserve du 2e corps de la Gironde le 28 novembre 1808, il fut créé comte de l’Empire vers cette époque et retourna en 1809 à l’armée d’Allemagne où il eut un bras emporté par un boulet de canon le 21 à la bataille d’Essling, détaille l’expert. Promu au grade de général de division le 29 juin 1809, il fut nommé commandant de la province de la Haute-Autriche le 24 août de la même année. »
Après le retour des Bourbons, en 1814, le général reprit son titre de marquis et fut nommé, le 15 juin 1814, capitaine-lieutenant de la seconde compagnie de mousquetaires. Le 2 juin de la même année, il reçut le titre prestigieux de chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis. « Louis XVIII lui conféra la dignité de commandeur du même ordre le 3 janvier 1815. Il ne servit pas pendant les Cent-Jours, et après le licenciement des mousquetaires il fut nommé gouverneur de la vingtième division militaire. » Son importance dans l’histoire militaire est aujourd’hui attestée par la présence de son nom sur l’arc de Triomphe.
Un ensemble exceptionnel estimé de 120 000 à 150 000 euros
Pour étayer son expertise, Arnaud de Gouvion Saint-Cyr s’est notamment appuyé sur l’Histoire de la maison militaire du roi d’Eugène Titeux (1838-1904) qui indique la valeur de chaque emblème : « Prix du drapeau : 900 fr. ; de l’étendard, 750 fr.; du tablier de trompette, 580 fr. ». « Titeux donne également les descriptions des drapeaux et étendards des deux compagnies de mousquetaires, poursuit l’expert. Pour les flammes de trompette, elles ne différent entre les deux compagnies que par la croix des mousquetaires à chaque coin, à cinq flammes dorées pour la seconde compagnie, au lieu de trois de couleur rouge pour la première. »
Si l’on connaît avec certitude la valeur de ces emblèmes sous la Restauration, un tel ensemble n’a pas d’équivalent sur le marché. Citons, en guise de comparaison, l’adjudication à 27 500 euros établie chez Osenat en 2022 pour une seule flamme de trompette de la première compagnie. Un résultat des plus encourageants pour l’ensemble exceptionnel présenté par Olivier Baron, dont l’estimation est fixée entre 120 000 et 150 000 euros. A noter, pour les collectionneurs étrangers, que ces emblèmes seront vendus avec leur certificat d’exportation.
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