Majoliques, une cote soutenue pour les céramiques de la Renaissance italienne
Les majoliques s’échangent sur un marché à deux vitesses : records pour les créations historiées de la Renaissance italienne et fléchissement pour la production plus récente. Retour sur l’histoire et la cote de ces céramiques qui connurent leur âge d’or au XVIe siècle en Italie.
« Maiolica » est un terme espagnol désignant les céramiques de Majorque qui, à partir du Moyen Âge, se diffusent en Europe, et principalement en Italie puisque le terme de majolique est ensuite appliqué aux créations de la péninsule aux XVIe et XVIIe siècles. Par extension, il désignera ensuite les productions inspirées de ces céramiques italiennes.
Techniquement, ce sont des faïences à décor lustré, dont le processus de fabrication est complexe : une première cuisson de la pâte argileuse (de teinte rougeâtre comme les faïences), qui est ensuite recouverte d’un émail et du décor coloré réalisé à partir d’oxydes métalliques. Puis une seconde cuisson pour fixer ce décor. Et parfois une troisième cuisson pour le lustre, apporté par une pellicule de particules de cuivre et d’argent.
De Nicola da Urbino à Xanto Avelli, un âge d’or au XVIe siècle en Italie
« Les majoliques, c’est une production assez vaste. Tout commence au XVe siècle avec un style gothique, et l’âge d’or se situe entre 1515 et 1540 en Italie, avec notamment les artistes Nicola da Urbino et Xanto Avelli qui a également travaillé à Urbino. Leurs créations peuvent dépasser le million d’euro en vente, mais elles sont extrêmement rares », souligne l’expert Cyril Froissard. Pour Sebastian Kuhn, expert en céramiques européennes pour Bonhams, « les majoliques italiennes Renaissance sont au même niveau que les peintures de la même époque, et elles ont toujours été collectionnées. » Côté décors, les inspirations vont des scènes mythologiques aux évocations de l’histoire romaine, en passant par des scènes religieuses ou des blasons de grandes familles.
Les ateliers d’Urbino, Montelupo et Venise
Le premier atelier de majoliques est situé à Faenza (ce qui donnera plus tard le mot de faïence), mais les plus importants sont à Urbino, Montelupo, Casteldurante ou Venise. « Urbino a notamment produit de grands vases très décoratifs vers 1550-1560, leur cote s’échelonne entre 10 000 et 80 000 euros environ, poursuit Cyril Froissard, alors qu’à la fin du XVIe siècle, les pièces les plus intéressantes sont à Venise ».
Dans la tradition des majoliques, beaucoup d’assiettes, de plats étaient des pièces uniques offertes en cadeau à des personnages importants. Mais il a également existé quelques services, dont celui de Nicola da Urbino pour Isabelle d’Este, marquise de Mantoue. On connaît 22 pièces de ce service, dispersées dans des musées et collections privées. Ou encore celui de l’atelier Fontana à Urbino qui commémore les guerres puniques opposant Rome et Carthage. Une assiette de ce service figure dans la vente Bonhams du 29 octobre « C’est une surprise car elle n’était pas répertoriée contrairement à tous les éléments de ce service déjà connus. Il était constitué de 120 pièces, et destiné au grand duc de Toscane Medicis ». Sebastian Kuhn a prudemment estimé cette assiette entre 20 000 et 30 000 euros, tenant compte du fait que si d’autres éléments de ce service se sont vendus plus cher il y a une vingtaine d’années, le marché n’est plus le même.
Des céramiques du XVIe siècle italien aux créations plus récentes, un marché à deux vitesses
« Tout se passe comme pour l’ensemble des arts décoratifs, c’est à dire que les pièces majeures se vendent facilement et font de gros prix, alors que les majoliques moins importantes subissent un vrai fléchissement », constate Cyril Froissard, en rappelant que ce marché ne concerne finalement qu’une grosse poignée de collectionneurs. Il a pu observer leur engouement au moment de la vente Rothschild en 2023 lorsque les amateurs européens ont fait le déplacement jusqu’à New York pour voir les majoliques.
« Vers la fin du XVIe siècle, il existe encore une production inspirée de Raphaël chez Urbino, mais cet art décline assez clairement au XVIIe siècle, les décors deviennent plus stylisés, répétitif. il faut attendre la fin de ce siècle pour assister à un renouveau en Italie », poursuit Cyril Froissard. Il cite pour exemple les majoliques venues de Castelli au XVIIIe siècle : une plaque rectangulaire de cet atelier, figurant une Vierge à l’Enfant figure dans la vente d’Actéon Compiègne du 23 novembre prochain (800 à 1 200 euros). Le style des majoliques trouve également une déclinaison en France, à Lyon ou à Nevers à partir du XVIIe siècle, avec des ateliers s’inspirant des décors de la Renaissance italienne. Autant de pièces accessibles à tous les amateurs qui souhaiteraient débuter une collection de majoliques ou apporter une touche d’originalité à leur intérieur en y intégrant une pièce chargée d’histoire…