
Tout connaître sur les poires à poudre
L’un des accessoires de chasse les plus séduisants pour le collectionneur ou l’amateur d’objets curieux est certainement la poire à poudre dont la richesse et la variété ornementales sont sans limite. Jacques Dubarry de Lassale revient sur l’histoire de ces fabuleux récipients.
Pourquoi appelle-t-on « poire à poudre » les boîtes et flacons destinés à porter la réserve de poudre noire nécessaire au rechargement des arquebuses et fusils d’autrefois ? La forme donnée à ces récipients au XIXe siècle fournit la réponse. A 95 %, elles ont la forme du fruit du poirier, ce qui n’était pas le cas aux siècles précédents. Les premières poires à poudre sont contemporaines des premières armes à feu, c’est-à-dire du XVIe siècle. La poudre noire du XVIe siècle présentait une certaine rusticité due au mélange peu stable de ses composants. Deux sortes de poudre étaient différenciées. Celle destinée à la propulsion de la charge que l’on introduisait dans le canon, et celle destinée à la mise à feu, plus fine et à grains réguliers. Cette dernière, appelée poudre d’amorce ou pulvérin, était placée dans le bassinet de l’arme. La nécessité de différencier ces deux poudres engendra deux types de poires : la poire à poudre de la charge principale (la plus volumineuse) et une poire à poudre plus petite pour le pulvérin.
De nombreux faux fabriqués au XIXe siècle
Le corps des poires primitives est généralement confectionné dans des os de grands gibiers ou d’animaux domestiques. Le bouchon obturateur est relié au corps ou au bec distributeur par une chaînette, un lacet de cuir ou une cordelette. Ces poires étaient suspendues en bandoulières à l’aide d’un cuir ou d’une passementerie (photo 1) fixé au corps de la poire par des anneaux métalliques (photo 2). Les domestiques portaient ces grandes poires, comme ils portaient les arquebuses du maître qu’ils rechargeaient systématiquement, ce qui permettait un tir continu.
Selon Robert Marquiset et Jean-Pierre Yven, auteurs qui font autorité sur le sujet, les grandes poires, dites « de réserve », seraient pour la plupart des faux fabriqués au XIXe siècle par le fameux faussaire Ernst Schmidt, dont maints exemplaires essaimèrent dans les grandes collections internationales, y compris la célèbre collection Pauillac. Les poires à poudre « de réserve » faites par Ernst Schmidt ne correspondent pas à ce que nous a légué l’iconographie. Le corps principal est fait de deux omoplates de bœuf, elles-mêmes enserrées dans deux mâchoires du même animal ou d’un autre bovidé (photo 3). L’ensemble, constituant le corps principal de la poire, est collé sur une armature de bois blanc qui sert de support aux éléments en os.
Focus sur une grande réserve à poudre d’origine allemande
Celle que je vous propose d’observer aujourd’hui (photos 4 à 9) fait partie des grandes réserves à poudre pour la charge principale. Elle est constituée des deux omoplates de bœuf, gravées de scènes de chasse recto-verso ; l’une sur le thème d’une chasse à courre avec des chiens (photos 5 et 6), et ornée d’armoiries surmontées d’une couronnes dans sa partie rétrécie (photo 7). L’autre sur le thème d’une chasse au sanglier (photos 8 et 9). Une belle frise, elle aussi en os gravé, contourne une partie des omoplates. La bretelle de suspension est constituée d’une très belle passementerie avec fils d’or. Le bouchon obturateur a disparu. Un exemplaire à peu près identique à cette grande réserve à poudre est conservé au musée du Jagdhoff Fuschl (Salzbourg, Autriche). On ne peut se prononcer avec certitude sur l’authenticité de cet objet très rare et qui ne peut être comparé avec d’autres. D’ailleurs, en existe-t-il d’authentique ? Car il semble qu’il n’y ait que l’iconographie qui puisse nous renseigner. Toujours est-il qu’il s’agit d’un magnifique objet de collection, même s’il est du XIXe siècle. Malgré l’incertitude, les plus grandes collections mondiales n’ont d’ailleurs pas hésité à en acquérir.
Photo en Une : Grande réserve à poudre en omoplate de cervidé, à bec en os. Corps gravé d’une scène de chasse au lion, attaqué par des centaures à l’arc et à la lance, sur une face ; sur l’autre face « Diane et son arc au cerf ». Garnitures en fer forgé clouté. Suspente à boucle en bronze en passementerie ainsi que le pourtour (usures du temps). A.B.E. XVIIIe siècle. 56 x 37,5 cm. Adjugée 2 560 euros par la maison Ader le 19 septembre 2019 à Paris.
Photos © Jacques Dubarry de Lassale.
Haut de page