Une toile inédite d’Hubert Robert
[Le lot du jour] Un hameau au toit de chaume entouré d’un potager : c’est dans ce décor bucolique, entre le chat assoupi sur le rebord de la fenêtre et le chien montant la garde devant sa niche qu’une scène étonnante est entrain de se jouer. Debout, la tête levée, une femme brandit un bébé à bout de bras pendant que deux autres personnages féminins, regardant dans la même direction, saluent quelqu’un au loin. De l’autre côté du tableau se dresse une haute et sombre bâtisse ceinte d’une clôture en bois, d’où s’échappent des canons de baïonnettes. Penché à l’un des balcons, un homme aux tempes grisonnantes retourne son salut aux demoiselles.
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Cette présentation d’enfant a été réalisée par Hubert Robert (1733-1808), célèbre artiste du XVIIIe siècle, alors qu’il était détenu à la prison parisienne de Saint-Lazare, située non loin de l’actuelle gare de l’Est. Emprisonné par les Révolutionnaires pendant la Terreur, le peintre n’a jamais cessé de travailler pendant sa captivité, s’évadant ainsi par la pensée. La plupart du temps le prisonnier reproduit ses anciens tableaux de mémoire, jusque sur des assiettes lorsqu’il ne dispose pas de toile ni de papier. Mais pour une fois, Hubert Robert décide d’immortaliser un épisode contemporain : la visite au marquis de Travanet. Ancien banquier des jeux de la Reine, le « Mestre des camps de dragons » originaire de la région d’Albi est arrêté en novembre 1793 avec son frère Nicolas. Pour la naissance de Scipion, le dernier-né de Nicolas, la mère de l’enfant, son aînée Sophie, la nourrice et la grande fille du marquis, Joséphine, sont venues rendre visite à Travanet.
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Véritable maître de la lumière, le peintre l’utilise ici pour opposer deux mondes. Alors que la prison est plongée dans la fumée et l’obscurité, les femmes et les enfants, vêtus de blanc, sont éclairés par un soleil franc et chaleureux. S’il peut paraître étonnant de dépeindre une scène romantique dans l’enceinte d’une prison, cet élan concorde parfaitement avec le bon moral d’Hubert Robert pendant son séjour à Saint-Lazare. Selon les témoignages de l’époque : le peintre « se levait à six heures du matin, peignait jusqu’à midi et, après le repas, jouait au ballon avec une adresse étonnante. Sa gaieté et sa tranquillité ne l’ont pas abandonné un seul moment. »
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Pourtant, la détention du marquis de Travanet intervient au cœur d’une des périodes les plus sombres de la Révolution. Entre le 6 et le 8 thermidor de l’an II, cent soixante-cinq prisonniers de Saint-Lazare furent exécutés dans le but de désencombrer les prisons parisiennes. Mais l’artiste choisit de passer sous silence cet épisode de « la conspiration », pour se concentrer sur les détails de cette scène de vie quotidienne, ainsi que sur la représentation au loin de Paris et du dôme du Panthéon esquissés sous un vaste ciel, et symbolisant ainsi l’espace d’une totale liberté.
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Cette huile sur toile de 49 par 60 centimètres était conservée depuis plus de deux cents ans par la famille du marquis de Travanet. Inconnue des spécialistes et inédite sur le marché, elle sera mise aux enchères avec une estimation de 120 000 à 150 000 euros le lundi 11 novembre à Bayeux par Maître Régis Bailleul et Agnès Nentas. Hasard des découvertes et du calendrier, les commissaires-priseurs proposeront également à l’occasion de cette vente un portrait de Pierre-Nicolas de Travanet, le frère de notre marquis, peint par Joseph-Benoît Suvée (1743-1807), qui sera estimé de 15 000 à 20 000 euros.
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Lien vers l’annonce de vente du tableau d’Hubert Robert
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