
Les mascottes, quand la sculpture rencontre l’automobile
De René Lalique à Rembrandt Bugatti, les mascottes automobiles ont inspiré de nombreux artistes au cours des années 1920 et 1930. Conçues à l’origine pour habiller les calandres, elles sont devenues des objets de collection recherchés aux enchères. Décryptage.
Ornant les calandres puis les capots des automobiles, les mascottes ont régné dès les débuts de l’automobile avant que le souci de sécurité et l’aérodynamisme mettent progressivement fin à leur existence. Seuls une poignée de constructeurs comme Mercedes, Rolls Royce et Bentley a maintenu cette tradition, en les dotant de systèmes de sécurité adéquats en cas de choc. L’âge d’or de ces petites sculptures remonte cependant aux années 1920 et au début des années 1930 : l’époque des « caisses carrées », durant laquelle la plupart des automobiles se ressemblaient, d’où le besoin de les distinguer par cette décoration de calandre. La mode a culminé en pleine période Art Déco, ce qui explique que les plus célèbres d’entre elles soient le produit de ce courant esthétique. Il convient de bien différencier alors les « officielles » des constructeurs, comme la cigogne des Hispano Suiza ou la gazelle des Chrysler, des créations de fantaisie proposées par des marchands d’accessoires. Elles ont inspiré les plus grands sculpteurs du début du XXe siècle. Aujourd’hui, elles nourrissent un marché de collectionneurs passionnés et apparaissent très souvent aux enchères lors de ventes dédiées à l’automobilia. Plus rarement, elles peuvent constituer un thème de vacation à part entière.
Lalique, Bugatti, Payen : les grands maîtres des mascottes automobiles
L’un des plus grands noms associés aux mascottes automobiles reste sans aucun doute celui de René Lalique avec ses sculptures de verre. Ce joaillier et verrier a associé son nom à l’automobile dès 1906 en créant le Trophée de la course Targa Florio. Durant les années 1920 et 1930, il crée une trentaine de types de mascotte dont la plus célèbre reste la Victoire, représentant un visage de femme prolongé par des ailes. Très recherchée, l’une d’elles a obtenu 8 000 euros lors d’une vente Osenat le 28 avril 2024 à Paris. Cependant, certaines pièces uniques ou prototypes originaux peuvent monter bien plus haut.
D’autres noms font vibrer les collectionneurs comme celui de Rembrandt Bugatti, sculpteur et frère du constructeur automobile Ettore Bugatti. Il est ainsi l’auteur de l’éléphant dressé qui ornait la calandre des Bugatti Royale. Très rare, une mascotte Bugatti a ainsi obtenu 33 800 euros lors d’une vente Artcurial le 8 février 2020 à Paris. On peut également citer François-Victor Bazin, qui a signé la fameuse Cigogne arborée par les Hispano Suiza, en hommage au pilote de guerre Guyemer. Il est aussi à l’origine d’autres emblèmes comme la tête d’éléphant des camions Latil, le Centaure des Unic ou encore le Triomphe des Isotta Fraschini. Henri Payen est également très connu par les amateurs pour ses créations telles que son Coq ou son « Pied de Nez du Faune ».
Figures féminines ou mythologie, des inspirations variées
Les figures de femmes ont souvent inspiré les sculpteurs : la Victoire de Lalique ou la Spirit of Ecstasy de Charles Sykes arborée par les Rolls-Royce en sont les exemples les plus connus. Le monde animal est cependant encore plus fréquemment représenté : citons le félin sculpté ornant certaines Jaguar, l’aigle des Imperial, le lion des Peugeot… Gabriel Voisin a dessiné pour ses propres automobiles une cocotte (poule stylisée), qui représente sans doute l’archétype de la mascotte style Art Déco. Les sources d’inspiration des mascottes sont nombreuses. La mythologie est à l’origine de l’Icare ailé des automobiles Farman, signé Georges Colin. Le navire Mayflower célèbre dans l’histoire américaine est représenté quant à lui par l’emblème des Plymouth d’avant-guerre. Le thème peut parfois être beaucoup plus loufoque, surtout lorsqu’il s’agit de mascottes accessoires. Henri Payen a ainsi signé plusieurs œuvres humoristiques telles que la « Quatrième Vitesse » représentant un lutin juché sur un escargot.
Des objets de collection accessibles
Conçues pour habiller des calandres, les mascottes sont aujourd’hui achetées pour être collectionnées et exposées en intérieur, sauf lorsqu’il s’agit de compléter la restauration d’un modèle qui aurait perdu cet ornement d’origine. Le marché est très actif et présente un éventail de prix très large. Ces prix dépendent de la célébrité de l’auteur, de la rareté de l’œuvre, du raffinement de sa réalisation, mais aussi de sa dimension, du matériau choisi et bien sûr de son état. Le bronze et le cristal sont les plus courants, mais des mascottes ont également été produites dans des matières moins nobles : étain, laiton nickelé, métal doré ou argenté… Les prix démarrent à quelques dizaines d’euros pour les œuvres les plus courantes, comme un lion Peugeot vendu 35 euros à Châteauroux le 18 avril ou une danseuse en bronze doré à l’origine indéterminée adjugée 90 euros le 22 avril à Blois. Le cœur du marché se situe en dessous de 1 000 euros : un homme ailé signé François-Victor Bazin proposé par Enchères Occitanes obtenait ainsi 500 euros le 2 février à Montauban, tandis qu’un « Jockey sur son cheval franchissant une haie » signé Charles Paillet a été adjugé 300 euros le 4 juin dernier.
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