Une collection de plus de 300 tire-bouchons aux enchères à Beaune
par Diane Zorzi
La collection d’un hélixophile sera vendue aux enchères le 18 novembre à l’Hôtel des ventes de Beaune. Plus de 300 tire-bouchons seront dispersés, retraçant l’histoire fascinante de cet objet qui n’a cessé de se renouveler depuis le XVIIIe siècle.
[Mise à jour, 4 décembre 2023] Le tire-bouchon figuratif, à la poignée ornée d’un satyre, a été adjugé 3 660 euros (frais inclus).
A parcourir le catalogue de vente, constitué avec soin par Stanislas Boyer, l’on endosserait volontiers à notre tour l’habit de l’hélixophile, tant la collection mise en lumière regorge de trésors. Elle a été constituée par un passionné de tire-bouchons qui, durant plusieurs décennies, a réuni au gré de voyages et rencontres un ensemble de plus de 300 pièces datées du XVIIIe au XXe siècle, retraçant l’histoire fascinante de cet ustensile né au Siècle des Lumières. « Il s’est passionné par le sujet et a essayé d’illustrer toute la diversité de ce domaine », annonce le commissaire-priseur Stanislas Boyer.
Le tire-bouchon et ses innovations depuis le XVIIIe siècle
Le tire-bouchon naît avec l’invention de la bouteille en verre et du bouchon à la fin du XVIIe siècle. « La bouteille de vin, telle que nous la connaissons aujourd’hui, arrive tardivement en France, avec un décret royal qui, en 1728, permet leur commercialisation, explique Stanislas Boyer. Le vin était jusqu’alors conservé en fût et apporté sur les tables dans des carafes ». Si les dictionnaires donnent, dès le début du XVIIIe siècle, une définition du tire-bouchon, son invention est attribuée au Révérend Samuel Henshall d’Oxford qui dépose le premier brevet en 1795. De nombreux modèles seront brevetés par la suite, au gré des innovations. La vente en révèle un florilège, à l’instar d’un rare tire-bouchon à pince et levier marqué « Leveaux à Namur », dont le brevet fut déposé en 1852. « Les manufactures ont redoublé d’innovations aux XIXe et XXe siècles, jusque dans le choix du nom de leur brevet, parfois très évocateur, comme Presto, Le Parfait ou Zig-Zag. »
Tire-bouchon simple, de poche, à mécanisme, à levier, multifonctions… Le tire-bouchon se décline à loisir, selon l’usage souhaité. « Ce domaine est d’une diversité étonnante, et les manufactures ont même adapté le tire-bouchon au contenant de destination et ses accessoires », précise Stanislas Boyer. A la vente figure un tire-bouchon anglais de la fin du XIXe siècle spécialement conçu pour l’ouverture des bouteilles de Codd. Inventées en 1870 par Hiram Codd, ces bouteilles accueillaient des boissons gazeuses, grâce à une fermeture qui s’effectuait à l’aide d’une bille de verre logée dans le goulot. « Le système de notre tire-bouchon a été breveté en 1872. Il permettait de repousser, grâce à l’appendice à l’extrémité, la bille de verre logée à l’intérieur de la bouteille et maintenue par la pression du gaz. »
Curiosités humoristiques et objets d’art
L’art du tire-bouchon admet des spécificités selon les pays de production. « Les Anglais, qui accordent une importance particulière à l’aspect pratique, ont inventé des systèmes très ingénieux pour lesquels ils ont déposé de nombreux brevets, détaille Stanislas Boyer. Les Français, quant à eux, semblent avoir porté davantage d’intérêt au caractère humoristique de leur production, tandis que les Scandinaves, qui ont eu une production particulièrement riche dans les années 1930, se sont distingués par leurs tire-bouchons figuratifs, ornés de personnages comme Bacchus. »
Au catalogue, l’humour est de mise avec les tire-bouchons de poche « French cancan » ou le tire-bouchon attribué à Anri figurant un homme ivre adossé à un réverbère. A leurs côtés, deux tire-bouchons de table en bois polychrome évoquent, quant à eux, la période de la prohibition aux Etats-Unis entre 1919 et 1933. Ces réalisations américaines, issues de la maison Syroco, semblent au premier abord être de simples objets de décoration, donnant à voir deux garçons de café. Une fois en main, le propriétaire comprend que le buste de ces deux personnages, un brin narquois, se détache pour découvrir subtilement la mèche défendue…
« Sur un objet utilitaire, il est étonnant de découvrir à quel point la production est diversifiée, avec un soin également particulier accordé au rendu esthétique », note le commissaire-priseur. A la vente, une canne tire-bouchon, dotée d’un pommeau en argent à décor finement repoussé de gardien de vache dans un paysage exotique, succède à des tire-bouchons de flacon à poignées en nacre, bois et corne, ainsi qu’à un ensemble important de tire-bouchons figuratifs. Le plus rare d’entre eux, une pièce européenne de la seconde moitié du XIXe siècle, arbore une poignée en bronze ornée d’un satyre et de deux cariatides travaillés en haut-relief (3 000 – 5 000 euros).
Le petit monde des hélixophiles
Cet objet de curiosité a, depuis 1993, son écrin dédié à Ménerbes en Luberon : le Musée du Tire-Bouchon qui compte une collection de plus de 1 200 pièces historiques provenant du monde entier. L’établissement a été créé par Yves Rousset-Rouard, un collectionneur passionné qui s’évertue à enrichir son fonds de nouveaux trésors glanés auprès de passionnés, d’antiquaires ou lors de ventes aux enchères. « En organisant la vente, nous nous sommes rendu compte que les collectionneurs de tire-bouchons étaient nombreux, et qu’ils étaient représentés aussi bien en Europe que sur le continent américain. Ils ont leurs sites, blogs et forums sur lesquels ils partagent leurs découvertes, échangent leurs pièces, et ils ont même, en France, un club qui réunit une centaine d’adhérents. » Si cette vente sera suivie avec attention par ces passionnés, gageons qu’elle ne comptera pas dans ses rangs uniquement des collectionneurs aguerris. Elle regorge en effet de pièces qui, par leur attrait esthétique, humoristique ou historique, séduiront sans nul doute, à l’approche des fêtes de Noël, les amateurs de vins ou de spiritueux…
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