Le 11 mars 2022 | Mis à jour le 15 mars 2022

Comment expertiser une commode ancienne ?

par Jacques Dubarry de Lassale

Meuble de rangement par excellence, prisé au XVIIIe siècle, la commode acquiert sous Louis XV une fonction décorative, avec l’apparition d’une riche ornementation dans le goût rocaille, avant de se doter de lignes franches et épurées sous Louis XVI. Jacques Dubarry de Lassale revient sur les particularités de ce meuble à travers l’expertise d’une petite commode du XVIIIe siècle ayant conservé l’ensemble de ses éléments d’origine.

 

Cette petite commode (photo 1 ci-dessous) plaquée en feuilles à façade galbée, qui à première vue n’a rien d’exceptionnel, est tout de même intéressante à examiner de près car elle présente des particularités de conception que nous allons étudier en détail.

 

Les choix de bois

Pour l’ossature du meuble, on trouve du chêne (montants, dos, dessus, côtés et fonds de tiroirs) et du sapin (côtés de la caisse, façades de tiroirs, planches intermédiaires et traverses de façade). Pour le placage, on a choisi du bois de rose pour les réserves et les chanfreins des tiroirs (photo 1) ainsi que pour les côtés de la caisse (photo 2). Néanmoins, tous les encadrements des tiroirs et des côtés de la caisse, les montants et les traverses de façade sont plaqués de bois de violette.

 

Photo 1 : Petite commode Louis XV plaquée en feuilles à trois tiroirs. Largeur 78 cm, hauteur 80 cm, profondeur 42 cm.

 

Photo 2 : Le placage pour la façade et les côtés est de bois de rose pour les réserves et de bois de violette pour tous les encadrements.

 

Les spécificités de la construction

Cette commode présente une spécificité rare et intéressante à signaler, l’intérieur des façades des tiroirs a été plaqué en chêne épais scié à la main et collé avant l’assemblage à queues d’aronde des côtés (photo 3), ce qui garantit qu’il ne s’agit pas d’une modification postérieure à sa conception. Le montage des tiroirs est réalisé à deux queues d’aronde à l’avant et à l’arrière (photo 4).

 

Photo 3 : Une particularité rare, l’intérieur des façades des tiroirs a été plaqué de chêne épais.

 

Photo 4 : Le montage des côtés des tiroirs est à deux queues d’aronde à l’avant et à l’arrière.

 

Les fonds de tiroirs sont cloués à plat joint (photo 4). Ce système de montage des fonds de tiroirs s’est pratiqué à toutes les époques, cependant à la période de fabrication de notre commode, il est plus courant de les trouver montés en feuillures. Les butées de tiroir sont quant à elles tout à fait classiques pour ce modèle de commode, c’est-à-dire une plaquette de chêne collée et clouée sur les queues d’aronde du côté de la façade du tiroir. Les chants supérieurs des côtés et de la façade sont arrondis, ce qui est très classique au XVIIIe siècle (photo 3). Les traces d’outils sont visibles en de nombreux endroits, par exemple beaucoup de sciage manuel et tout particulièrement au dos des tiroirs qui laissent apparaître les traces de sciage du scieur de long avec le fameux « triangle cassé ». Le montage du dos de la commode est très simple, les deux traverses haute et basse sont chevillées dans les montants arrière. Les serrures des tiroirs, du XVIIIe siècle, sont bien celles d’origine de la commode.

Les bronzes sont bien également ceux d’origine, on ne perçoit aucune autre trace de fixation (photo 1). Ils sont de style Louis XVI, ce qui permet de situer la fabrication de cette commode à la fin de la période Louis XV. Ils présentent également une particularité, ils ont tous des traces d’argenture oxydée. Une autre remarque, les sabots des pieds antérieurs sont des bronzes en chute utilisés à l’envers. Le marbre qui est bien du XVIIIe siècle est un « rance de Belgique » de 32 mm d’épaisseur. Ce marbre a été très utilisé au XVIIIe siècle compte tenu de sa facilité d’approvisionnement. Il est facile à identifier grâce à ses fossiles « thamnaporas », appelés aussi queues de rat (photo 5). Le chant arrière du marbre a été scié à la scie sans dents avec du sable et de l’eau, pratique courante au XVIIIe siècle (photo 6). Ainsi, il ne présente aucune trace d’outil ni de brisure. Cependant, ce marbre a été accidenté et réparé avec des agrafes et du plâtre, type de réparation très pratiqué autrefois (photo 7).

Photo 5 : Le marbre est un « rance de Belgique », il se reconnaît facilement grâce à ses fossiles en forme de queue de rat.

 

Photo 6 : La tranche arrière du marbre ne présente aucune trace d’outil ou de brisure mais il est cependant du XVIIIe siècle, il a été scié à la scie sans dents avec du sable et de l’eau.

 

Photo 7 : Le marbre a été accidenté et anciennement restauré. Il présente sur la surface inférieure des agrafes de fer oxydées et du plâtre.

 

En conclusion, nous pouvons dire que cette petite commode n’est pas d’une grande qualité de fabrication et que les bronzes ont été argentés au lieu d’être dorés par souci d’économie. Néanmoins, tous ses éléments constitutifs sont bien d’origine.

 

Photos © Jacques Dubarry de Lassale.

 

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