
Dans le carton à dessin de Mai Thu
Le célèbre artiste vietnamien avait séjourné à Mâcon dans les années 40. Au hasard d’un inventaire, Maître Jérôme Duvillard vient de retrouver plusieurs études et dessins préparatoires du peintre, qui seront mis aux enchères le samedi 1er mars 2014.
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Un banal carton à dessin rangé depuis des années au fond d’un tiroir… Lorsqu’il aperçoit, au cours d’un inventaire à Mâcon, le classique cartonnage moucheté vert et noir, Maître Jérôme Duvillard remarque immédiatement l’étiquette orange ornée d’un idéogramme asiatique et de l’inscription « Mai Thu ». Le commissaire-priseur mâconnais se met alors à rêver d’une incroyable découverte : serait-ce le carton à dessin du peintre vietnamien Mai Thu (1906-1980) ? Jérôme Duvillard n’ose pas croire qu’il s’agisse des souvenirs de ce peintre fortement coté sur le marché, dont les œuvres et notamment les toiles d’enfants ont été largement popularisées par leur reproduction sur les cartes de l’Unicef, et enregistrent aujourd’hui des records à près de 100 000 euros ! Très vite, plusieurs indices confirmant le passage de l’artiste à Mâcon lui viennent à l’esprit.
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Après avoir participé à l’Exposition internationale de 1937 à Paris, où il exposait aux côtés de Le Phô et Vu Cao, Mai Thu a en effet décidé de s’installer en France. Et lorsque la guerre éclate, il s’engage volontairement aux côtés de ses nouveaux compatriotes français. L’artiste devenu soldat est alors démobilisé à Mâcon en 1941. Lors de son séjour dans la ville, il est invité à réaliser une grande fresque murale pour l’église Saint-Pierre de Mâcon. Son œuvre monumentale, figurant dans l’une des chapelles, rend hommage aux morts de la Première Guerre mondiale. A l’intérieur du carton à dessin, Jérôme Duvillard trouve justement le projet préparatoire de la fresque : une gouache de 70 par 44 centimètres représentant « l’hommage aux Poilus de la Grande Guerre ». « J’ai même eu la chance de retrouver dans le carton la palette en bois de l’artiste, sur laquelle se trouvent exactement les mêmes couleurs que sur la gouache », précise le commissaire-priseur, qui confirme rapidement la prestigieuse provenance de ces découvertes en apprenant que l’ancêtre du propriétaire des lieux avait été l’encadreur du peintre.
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Le carton à dessin (100 à 150 euros d’estimation), la gouache de la fresque murale (800 à 1 000 euros), la palette (100 à 200 euros) ainsi que cinq études à la mine de plomb également trouvées dans le précieux contenant seront mis aux enchères le samedi 1er mars par Maître Duvillard depuis Mâcon et en direct sur le Live d’Interencheres. « Il est très rare, voire quasiment inédit de pouvoir admirer des travaux préparatoires de l’artiste. Mai Thu se concentre sur les visages et les regards, esquissés en quelques traits. L’expressivité des personnages est mise en valeur par la sobriété des fonds, de simples et discrets aplats de couleurs », observe le commissaire-priseur. Confirmant son attrait pour les scènes de la vie privée, les femmes dessinées par l’artiste sont représentées dans leur intimité, berçant leur bébé (estimation de 1 000 à 1 200 euros pour chacune des deux « Mère à l’enfant »), ou assise sur un canapé (1 000 à 1 200 euros). Tous ces modèles féminins emprunts de douceur et de sérénité, à l’image de cette « Jeune femme blonde », peinture sur soie estimée de 5 000 à 6 000 euros, devaient probablement être issus de la haute société mâconnaise, dont le peintre réalisa de nombreux portraits lors de son séjour dans la ville.
Si la trouvaille de ce carton à dessin s’avère être l’une des plus étonnantes découvertes de la carrière du commissaire-priseur de Mâcon, elle pourrait également vous permettre d’acquérir un Mai Thu à petit prix !