Le 27 avril 2022 | Mis à jour le 27 avril 2022

Expertise : une armoire bourgeoise du XVIIe siècle

par Jacques Dubarry de Lassale

Les premières armoires sont apparues en Corrèze au XIIe siècle. Mais si ce meuble de rangement est devenu une pièce incontournable dans les foyers, il n’intègre communément les intérieurs bourgeois qu’au XVIIe siècle. Jacques Dubarry de Lassale revient sur l’histoire de ce meuble, à travers l’étude d’une armoire périgourdine du XVIIe siècle. 

 

A l’origine, l’armoire n’était pas le meuble que l’on connaît aujourd’hui, mais simplement la porte qui clôturait une niche aménagée dans une muraille, connue désormais sous le nom de placard. Cette désignation persistera jusqu’à la Révolution. Pour preuve, l’inventaire après décès de Pierre-Louis Surugue, graveur du Roy, membre de l’Académie, mort en 1772, stipule que dans une petite chambre de l’immeuble qu’il habitait, rue des Noyers, au quatrième étage « était pratiquée une armoire dans la muraille ». L’armoire française la plus ancienne connue, en tant que meuble construit, semble être celle d’Aubazine en Corrèze qui date du XIIe siècle.

 

La structure d’une armoire périgourdine du XVIIe siècle

En province, l’armoire bourgeoise, meuble d’usage, est entrée dans l’ameublement de la classe moyenne au XVIIe siècle. Sa décoration se limite à cette époque à des décors géométriques. Le modèle que nous étudions est une armoire périgourdine de la fin du XVIIe siècle (photo 1, ci-dessous).

 

 

Ce type d’armoire n’est pas propre au Périgord, car on en trouve un peu partout en Gascogne. Sa structure est toujours identique :

  • Un caisson inférieur, contenant un grand tiroir muni de deux poignées de tirage en fer forgé, repose à l’avant sur deux gros pieds ronds aplatis dits « en fromage, en rave… ». A l’arrière, les pieds sont constitués par le prolongement des montants du bâti.
  • Le corps de l’armoire avec ses deux vantaux – ou un seul s’il s’agit d’une bonnetière – n’a ni plancher, ni plafond, il vient s’encastrer sur le caisson inférieur ; le raccord des deux éléments est dissimulé par une moulure saillante. Parfois, des crochets en fer forgé, disposés à l’intérieur, fixent le corps de l’armoire au caisson.
  • La corniche est un véritable couvercle, pièce monumentale, elle vient coiffer le corps de l’armoire et rigidifie l’ensemble. Elle peut aussi parfois être rendue solidaire du corps de l’armoire par des crochets en fer situés à l’intérieur.

 

Colonne torse, mouluration, pointe de diamant : des décors variés

Ces armoires peuvent atteindre des dimensions impressionnantes, nécessitant une échelle pour atteindre les rayons les plus hauts. J’en ai également rencontré qui possédaient une porte sur le côté. Ces armoires sont plus ou moins ornées. Notre armoire périgourdine possède de superbes colonnes torses sur les montants antérieurs et une demi-colonne sur le faux dormant. La mouluration est grasse et abondante. Les côtés, plus ou moins riches en décor suivant les cas, peuvent également être garnis de pointes de diamant (voir photo 3). Les panneaux de porte, vus de l’intérieur, sont au même niveau que les encadrements, ce qui nécessitait des panneaux plus épais (photo 4). Il est à noter que dans la majorité des cas, les assemblages des encadrements de porte ne sont pas chevillés, ce qui est le cas sur notre armoire périgourdine. Cependant, sur d’autres armoires, le chevillage peut être d’origine (voir photo 5). Les assemblages des encadrements de porte sont à tenant débouchant dans des coupes d’onglet (voir photo 6).

 

 

Sur notre armoire, les gonds de porte ont été démontés pour réparation, afin de compenser l’usure fonctionnelle (photo 7). On remarquera l’intervention critiquable de l’ébéniste et notamment la fixation du gond supérieur avec des vis à bois. Il est à noter également, qu’à l’examen détaillé de notre armoire Louis XIII, on a remarqué que les colonnes torses qui décorent le meuble en façade sont postérieures à la fabrication du meuble. Elles ont été rajoutées au XIXe siècle pour enjoliver le meuble. La colonne torse dégagée de son logement en angle du corps de l’armoire laisse apparaître le bout du tenon de la traverse de côté. Le logement de la colonne torse a donc été creusé postérieurement (photo 8).

 

 

 

Photo en Une : Grande armoire en noyer entièrement mouluré et sculpté à décor de pointes de diamant, ouvre par deux portes séparées par un faux-dormant et par un tiroir en partie basse. Pieds en miche. Base et corniche droites à ressauts. Époque Louis XIII. Haut. : 250 cm – Larg. : 203 cm – Prof.: 84 cm. Adjugée 3 200 euros par Actéon Senlis le 9 juin 2013 à Senlis.

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