Le 7 octobre 2022 | Mis à jour le 7 octobre 2022

Expertise : une petite commode Louis XV

par Jacques Dubarry de Lassale

La commode est l’un des meubles les plus populaires sous le règne de Louis XV. Avec ses courbes ondulantes, ses pieds galbés et ses riches ornementations, elle incarne parfaitement le style rocaille du XVIIIe siècle. Le maître ébéniste Jacques Dubarry de Lassale dévoile les particularités de ce meuble à travers l’expertise d’une petite commode Louis XV. 

 

La petite commode à façade galbée que je vous propose d’examiner [photo 1, ci-dessous]  n’a, à première vue, rien d’exceptionnel. Mais elle est tout de même intéressante à observer de près car elle présente de nombreuses particularités de conception que je vous propose de décrypter en détails. 

 

Petite commode Louis XV plaquée en feuilles, à trois tiroirs. Largeur : 78 cm ; hauteur : 80 cm ; profondeur : 42 cm.

 

Une commode mêlant le chêne, le sapin, le bois de rose et le bois de violette

Commençons pas étudier le bois utilisé pour cette commode. Pour l’ossature, on trouve du chêne (montants, dos, dessus, côtés et fonds de tiroirs) et du sapin (côtés de la caisse, façades de tiroirs, planches intermédiaires et traverses de façade). Pour le placage, on a choisi du bois de rose pour les réserves et les chanfreins des tiroirs, ainsi que pour les côtés de la caisse [photo 2]. En revanche, tous les encadrements des tiroirs et des côtés de la caisse, ainsi que les montants et les traverses de façade, sont plaqués de bois de violette.

 

 

Les spécificités de la construction

Cette commode présente une spécificité rare et intéressante à signaler : l’intérieur des façades des tiroirs a été plaqué en chêne épais, scié à la main et collé avant l’assemblage à queues d’aronde des côtés [photo 3], ce qui garantit qu’il ne s’agit pas d’une modification postérieure à sa conception. Le montage des tiroirs est réalisé à deux queues d’aronde à l’avant et à l’arrière [photo 4].

 

Les tiroirs 

Les fonds des tiroirs sont cloués à plat joint [photo 4]. Ce système de montage des fonds de tiroirs a été pratiqué à toutes les époques. Néanmoins, à la période de fabrication de notre commode, il est plus courant de les trouver montés en feuillures. Les butées de tiroir sont en revanche tout à fait classiques pour ce modèle de commode, c’est-à-dire une plaquette de chêne collée et clouée sur les queues d’aronde du côté de la façade du tiroir. Les chants supérieurs des côtés et de la façade sont arrondis, ce qui est très classique au XVIIIe siècle [photo 3]. Les traces d’outils sont visibles en de nombreux endroits, tout particulièrement au dos des tiroirs qui laissent apparaître les traces de sciage du scieur de long avec le fameux « triangle cassé » [photo 5]. Le montage du dos de la commode est très simple, les deux traverses haute et basse sont chevillées dans les montants arrières [photo 6]. Les serrures des tiroirs, du XVIIIe siècle, sont bien celles d’origine de la commode [photo 3].

 

Les bronzes et les marbres

Les bronzes sont bien également ceux d’origine, puisque l’on ne perçoit aucune autre trace de fixation. Ils sont de style Louis XVI, ce qui permet de situer la fabrication de cette commode à la fin de la période Louis XV. Ils présentent également une particularité, puisqu’ils ont tous des traces d’argenture oxydée [voir l’entrée de serrure sur la photo 7]. Les sabots des pieds antérieurs sont quant à eux des bronzes en chute, utilisés à l’envers [photo 8].

Le marbre, qui est bien du XVIIIe siècle, est un « rance de Belgique » de 32 mm d’épaisseur. Ce marbre a été très utilisé au XVIIIe siècle, compte tenu de sa facilité d’approvisionnement. Il est facile à identifier grâce à ses fossiles les « thamnaporas », appelés aussi queues de rat [photo 9]. Le chant arrière du marbre a été scié à la scie sans dents avec du sable et de l’eau, pratique courante au XVIIIe siècle [photo 10]. Ainsi, il ne présente aucune trace d’outil ni de brisure. Cependant, ce marbre a été accidenté et réparé avec des agrafes et du plâtre, type de réparation très pratiqué autrefois [photo 11].

En conclusion, nous pouvons dire que cette petite commode n’est pas d’une grande qualité de fabrication, que les bronzes ont été argentés au lieu d’être dorés par souci d’économie, mais que tous ses éléments constitutifs sont bien d’origine.

 

 

 

Photos © Jacques Dubarry de Lassale.

Photo en Une : Commode en amarante de forme mouvementée en façade et sur les côtés. Epoque Louis XV. H : 83 cm, L : 99 cm, P : 52 cm. Adjugée 10 500 euros le 18 décembre 2019 par la maison Ader à Paris.

 

 

 

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