Expertise : une travailleuse Napoléon III
Pour le mobilier, l’appartenance à la période Napoléon III a souvent une connotation péjorative. Pourtant, fleurissent à cette époque des meubles extrêmement raffinés, bien que peu nombreux, qui sont pénalisés par un amalgame consistant à les confondre avec les meubles issus de la production industrielle et réalisés avec des matériaux de second choix. Le maître ébéniste Jacques Dubarry de Lassale rend compte du caractère précieux des meubles de cette époque à travers l’expertise d’une travailleuse Napoléon III.
Dans son ouvrage sur Le mobilier domestique, Nicole Reyniès définit ainsi la travailleuse, une dénomination apparue durant la seconde moitié du XIXe siècle : « petite table de plan massé (carré, rectangulaire, circulaire ou autre) à éléments de rangement servant à contenir les objets nécessaires aux travaux de couture, broderie, tapisserie, tricot ». Elle peut avoir entre un et quatre pieds et présenter un corps de forme et de structure diverses. La travailleuse que nous vous présentons (photo 1, ci-dessous) relève d’une production de haute qualité. On peut s’étonner de ne pas trouver d’estampille sur un meuble d’une telle qualité, mais peut-être s’agit-il d’une production anglaise. En effet, au dos des plaques de porcelaine, on peut lire des annotations manuscrites en anglais qui signifient « bois de violette, face arrière, droite, gauche », permettant de définir correctement l’emplacement de chacune des quatre plaques. Celle que nous allons examiner se classe dans la catégorie des tables à ouvrage en coffret à nécessaire, puisqu’elle comporte des compartiments où sont disposés outils et fournitures de couture.
Le couvercle et ses décors
Le couvercle comporte fréquemment un miroir. Notre travailleuse n’a ni miroir ni tiroir. Sa forme est inspirée du style Louis XV et l’exagération du galbe du piètement est typique des productions exécutées sous Napoléon III. Son bâti est en sapin plaqué de bois de violette à l’extérieur et de citronnier de Saint-Domingue à l’intérieur. Sur sa face interne, le couvercle est également plaqué de citronnier dans un encadrement d’amarante avec, en son centre, un décor en sycomore teinté vert (photos 2 et 3). Le dessus du couvercle est plaqué de bois de rose en frisage formé de quatre feuilles disposées à fil contrarié (photo 4). Le décor marqueté du dessus du couvercle présente au centre, un motif en arabesque feuillagé en amarante et buis (photo 5), dans les angles et au milieu du grand côté, six cartouches en sycomore teinté tabac cernés d’un filet de buis (photos 4 et 6), et alternés aux cartouches, six motifs en réserve en patawa (palmier de Guyane en bois de bout) cernés également d’un filet de buis (photos 4 et 6). Il est intéressant de noter qu’aucun de ces motifs n’a de forme géométrique.
La structure du meuble
Les côtés de la caisse sont richement décorés de quatre plaques de porcelaine à décor de fleurs dans des encadrements bleu clair (photos 1 et 7), ainsi que huit réserves de sycomore teinté tabac (photos 1 et 8), le tout encadré par des bronzes dorés. La garniture de bronzes est abondante et de qualité (photos 9, et 10). Il est certain que ce sont les bronzes d’origine car leur empreinte est nettement marquée sur le bois (bois plus sombre à l’endroit recouvert par les bronzes), le bois de violette ayant été préservé de la lumière (photo 8). Les charnières du couvercle sont en laiton fondu et gravé (photo 11). Le palâtre et la têtière de la serrure auberonière sont en laiton (photo 12). Enfin, le casier intérieur amovible est en citronnier massif de Saint-Domingue (photo 13).
Photos © Jacques Dubarry de Lassale.
Image en Une : Tahan (Attribuée à), table travailleuse Napoléon III, XIXe siècle, placage de palissandre à riche marqueterie sur le plateau de roses et de guirlandes de fleurs, 72 x 56 x 40 cm. Adjugée 1 250 euros par Denis Herbette le 20 mars 2022 à Doullens.
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