Le collectionneur aux 2 500 photographies
Quarante, c’est le nombre d’années qu’il a fallu à notre collectionneur pour réunir 2 500 photographies, daguerréotypes et négatifs anciens. Maîtres Laurent Belaïsch et Isabelle Goxe mettront en vente les jeudi 12 et vendredi 13 juin 2014 à Enghien-les-Bains — et en direct sur le Live d’Interencheres — cette collection exceptionnelle d’images des XIXe et XXe siècles.
.
Des années 1970 aux années 2010, un collectionneur a rassemblé de manière méthodique et régulière plus de 2 500 images de qualité, datant des origines de la photographie (1839) à nos jours. Des noms d’artistes célèbres figurent au sein de cet ensemble tel Eugène Atget, Edouard Baldus ou encore Gustave Le Gray. Les amateurs trouveront principalement des daguerréotypes uniques et des négatifs sur les thèmes des régions de France et Paris, de l’architecture, de la médecine mais aussi des nus. Ces œuvres témoignent d’un véritable intérêt pour la documentation au XIXe siècle.
.
.
Au tournant du XXe siècle, les artistes aiment photographier l’architecture parisienne. Gustave Le Gray a capturé le Pont du Carrousel vu du pont Royal à Paris (ill. ci-dessus) aux tonalités particulières, estimé 8 000 à 12 000 euros. Et Eugène Atget a réuni une « collection artistique et documentaire » sur tout le vieux Paris, dont il craignait en 1920 qu’elle ne tombe « entre des mains qui n’en connaissent pas la valeur et finalement disparaître, sans profit pour personne ». Ainsi, parmi les épreuves d’Atget présentées à la vente figurent des fontaines de la capitale, la porte des Carmes ou encore la rampe de l’escalier de l’Hôtel d’Ecquevilly, cliché estimé 4 000 à 6 000 euros.
.
.
A la même époque, les photographes apprécient également les épreuves de nus sur papiers salés, sujet académique traité originellement dans la peinture. Le Nu à la rose et corbeille fleurie (ill. n° 1 ci-dessus) d’Auguste Belloc, estimée entre 2 000 et 3 000 euros, par exemple, rappelle L’Odalisque d’Ingres peinte en 1814. Les artistes s’inspirent des positions sculpturales mais franchissent parfois la limite de l’érotisme en faisant du point de vue du spectateur celui d’un voyeur. Auguste Belloc en suggère même l’idée en réalisant vers 1854 Le voyeur : femme au métier à tisser, seins nus, observée par un homme à la fenêtre (ill. n°2). L’estimation de ce daguerréotype stéréoscopique colorié tourne autour de 2 000 et 3 000 euros. Bruni Braquehais et Alexis Goüin ont également saisi des courbes féminines, tandis que Louis-Auguste Bisson a davantage photographié le corps humain d’un autre œil, s’intéressant aux cas médicaux extraordinaires (mains déformées, maladie de l’œil, cas de tératologie) dans un but d’étude ontologique et de classification. Pour exemple, cet Homme à la joue gonflée (ill. n°3) de 1855 est estimé entre 1 500 et 2 000 euros.
.
.
Dans les années 1920 jusqu’aux années 1950, la création moderne ouvre de nouvelles perspectives. Marcel Duchamp, sous l’égide du surréalisme, développe le concept d’un nouveau regard au travers de son œuvre 5 photographies (d’après rayogrammes) (ill. ci-dessus) estimée 4 000 à 5 000 euros. Au dos de l’une de ces planches de contact représentant la devanture d’un opticien, le poète Frédéric Ramsey écrit la clef de la lecture de cette œuvre : « Pour voir n’importe QUOI, il faut tout revoir dans un miroir… »
.
.
Dans cette optique surréaliste, Man Ray a réalisé en 1933-1934 une épreuve argentique inscrite depuis longtemps dans les mémoires. L’image fut consacrée à la confection d’une publicité pour Cosmecil d’Arlette Bernard : de fausses larmes sont figées sous les yeux grands ouverts d’une femme (ill. ci-dessus n°4). Estimée entre 4 000 et 6 000 euros, c’est la seule épreuve d’époque et de ce format (75,8 par 90,4 cm) connue à ce jour.
.
Le collectionneur a également choisi d’étendre ses goûts à la période humaniste dont Brassaï et Robert Doisneau font partie. Le premier a saisi Picasso dans son atelier, une image estimée entre 1 200 et 1 500 euros (ill. ci-dessus n°5), tandis que le deuxième capture la vie quotidienne dans les rues de Paris. Il fait de La dernière valse du 14 juillet (ill. n°6) un instant volé de 1949. Cette épreuve gélatino-argentique est estimée entre 1 500 et 2 000 euros.
.
L’expert de la vente, Yves Di Maria, affirme avoir expertisé « un ensemble exceptionnel ». Pour lui, la programmation de la vente est un évènement tant « le collectionneur a fait preuve d’une recherche esthétique. Le monde des enchères n’avait pas connu cela depuis une quinzaine d’années ».
.
Lien vers l’annonce de vente du jeudi 12 juin
.
Lien vers l’annonce de vente du vendredi 13 juin