Le vin, un actif liquide plébiscité aux enchères
Le vin, et plus récemment les spiritueux, suscitent un intérêt certain aux enchères de la part d’amateurs et de collectionneurs avisés. Tour d’horizon de ce marche de niche.
Pierre Dac avait pour habitude de dire « si la vérité est dans le vin, qu’elle y reste ». Vérité ou pas, le vin occupe de plus en plus les salles de ventes aux enchères ces dernières années, avec des flacons à tous les prix, parfois raisonnables, parfois à faire pâlir certaines ventes d’art moderne et contemporain. Les opérateurs de ventes – notamment Besch Auction ou Arcadia, dans le Top 5 des maisons spécialisées dans le secteur des enchères viticoles en France – ont ainsi compris que cet actif liquide se transforme bien souvent en or rouge (ou blanc) sous le marteau et développent davantage des ventes thématiques de grands vins et d’alcools rares. Un état de fait qui se vérifie également par l’appétit des amateurs et collectionneurs, davantage diversifiés, affirmés et aux goûts précis. Globalement dans l’hexagone, le secteur du vin aux enchères – dans un marché des enchères viticoles mondiales qui oscille autour de 350 millions d’euros – s’élève à 47 millions d’euros avec 80 000 lots vendus tous les ans. Il reste donc assez artisanal, même si par rapport à l’an passé, une hausse de 2 % a été observée selon le dernier rapport du Conseil des ventes volontaires. Il représente entre 3 et 4 % du total des enchères en France.
Digitalisation des ventes de vin
En tout état de cause, le vin – au même titre qu’une voiture de collection ou qu’une montre de haute horlogerie – est une valeur refuge par excellence. La preuve avec l’engouement suscité aux enchères par le vin pendant la période de confinement due à la crise sanitaire enrayée par la Covid-19. De nombreuses maisons de ventes ont basculé en ligne leurs ventes physiques. Grâce à la digitalisation des vacations, nombre de collectionneurs se sont retrouvés sur Internet à enchérir des quatre coins du globe. Cela dope le marché avec des enchérisseurs qui viennent majoritairement d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Asie, avec une grande part de Français et d’Anglo-Saxons. Mais les principaux acteurs dans le milieu restent les collectionneurs asiatiques, venus de Chine, de Taïwan, du Japon ou de Hong Kong. « L’ex-colonie britannique est, en effet, la première place mondiale du vin et une plaque tournante des grands crus français en raison de la suppression des taxes à l’importation du vin en 2008 », selon l’expert Pascal Kuzniewski.
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Qui achète, qui vend et pourquoi passer par les enchères ?
La clientèle est très diverse et se compose – que ça soit des acheteurs ou des vendeurs – à 90 % de particuliers outre les caves de restaurateurs en liquidation. Souvent pointus et passionnés, ils souhaitent faire vivre leur cave et la renouveler. Il vaut mieux préférer vendre ses vins plutôt que les laisser vieillir, s’oxyder et mourir. « Il y aura toujours des acheteurs, amateurs-buveurs et connaisseurs. Autrement dit les puristes », souligne Pascal Kuzniewski. Les salles des ventes sont un terreau inépuisable de bonnes affaires et de surprises pour gérer sa cave de façon épicurienne. Elles sont l’unique lieu où se trouvent les vieux millésimes, ceux qui ont au minimum vingt années au compteur. « Ce sont des vins d’occasion. Notre but n’est pas de concurrencer les détaillants et les cavistes », appuie l’expert auprès de la maison Besch Auction. Surtout, ce sont des vins inestimables sur le premier marché – à l’image des premiers crus bordelais comme des Châteaux Latour, Haut-Brion ou Margaux – souvent jusqu’à 60 % moins chers que dans le commerce.
Autre donnée fondamentale au sein de ce marché, à savoir l’achat plaisir. Les spécialistes sont unanimes sur le sujet : il faut investir par passion et non dans la recherche d’une quelconque spéculation malgré la cote de certains grands crus qui explose. « On ne s’enrichit pas sans rien connaître au vin. Le produit doit intéresser l’acheteur, qu’il soit lui-même buveur. Je ne crois pas en un investissement spéculatif dans le vin. Si investissement il y a, ça sera du plaisir », prévient le spécialiste. Le vin doit être un placement alternatif de diversification de son patrimoine mais ne doit pas représenter plus de 5 % de celui-ci. D’ailleurs, l’Autorité des marchés financiers mets régulièrement en garde les investisseurs contre de genre de placements. Boire ou investir, il faut donc choisir.
Les régions qui plaisent sous le marteau
Les locomotives des ventes sont les vins du bordelais et du vignoble bourguignon et dans une moindre mesure ceux de la vallée du Rhône. Sur une vacation, 60 % des lots sont constitués de Bordeaux, surtout les rouges, la valeur refuge du marché et des vins dont la capacité de garde est la plus élevée. Dans la région, les acheteurs désirent les grands crus classés avec comme Top 3 : Petrus, Mouton Rothschild et Lafite Rothschild. D’autres propriétés se taillent la part du lion comme Haut-Brion, Latour et Margaux. Ainsi à Cannes le 14 août dernier, six flacons de Petrus 2002 ont été adjugés pour 13 650 euros, 42 bouteilles d’Haut-Brion 1990 sont parties pour 30 000 euros et six bouteilles de Mouton Rothschild 2000 – un millésime très plébiscité – ont trouvé preneur pour 12 050 euros.
Du côté de la Bourgogne – surtout les vins de la Côte de Nuits – les vins du Domaine de la Romanée-Conti truste l’ensemble du marché. Des lots de 12 bouteilles en 2009 ou 2011 s’échangent entre 30 000 et 40 000 euros. Besch Auction a d’ailleurs dispersé trois flacons de La Tâche 2009 pour 14 880 euros. Les autres signatures phares de la région ? Les domaines Leflaive, Georges Roumier, Coche-Dury ou Jacques-Frédéric Mugnier, pour n’en citer que quelques uns. Enfin, sur la troisième marche du podium, la vallée du Rhône et ses vins des appellations septentrionales comme Côte-Rôtie, Saint-Joseph ou Hermitage, ainsi que des cuvées plus confidentielles des « Nordistes » tels que Jamet, Jean-Louis Chave, Guigal ou Delas. La star de la région reste l’excellent Emmanuel Reynaud avec le Château Rayas (Châteauneuf-du-Pape), dont trois bouteilles de 2005 sont parties pour plus de 2 000 euros en août dernier à Cannes. La Champagne est également très présente, surtout les vieux millésimes rares des grandes maisons et leurs cuvées prestige qui vieillissent et se bonifient avec le temps. Une des maisons les plus scrutées est Salon, appréciée pour son Champagne monocépage et monocru et produit que dans des bonnes années (comptez plus de 4 000 euros pour une bouteille des années 1950).
Enfin, de plus en plus d’amateurs et collectionneurs s’intéressent aux spiritueux avec un phénomène regrettable de spéculation sur certains alcools rares. Les alcools concernés par cette tendance ? Les whiskys, notamment ceux âgés, Ecossais comme Macallan ou Japonais comme les Hibiki et Yamazaki. Également les rhums anciens, ainsi que les spiritueux français comme les Calvados signés Drouin ou Adrien Camut (comptez 2 200 euros pour une bouteille de 1918), les Cognacs et Armagnacs des maisons Hennessy ou Rémy Martin, ainsi que les Chartreuses dont les prix s’envolent.
L’expertise en la matière
L’expertise en matière de vin est cruciale. « C’est là-dessus qu’on se différencie », analyse Pascal Kusniewski. Le rôle d’un expert est d’être le plus exigeant possible sur le descriptif des bouteilles : l’état du bouchon, de la collerette, de la capsule, de l’étiquette et le niveau du vin. L’objectif est de garantir au mieux l’authenticité des vins et d’éviter la circulation de faux. Selon l’expert, un seul critère sur l’identité du vin est crucial pour un acheteur : la provenance du vin, c’est-à-dire sa source, son stockage et son cycle de vie.
Image en Une : Caisse de 12 bouteilles Château Haut-Brion 1990. Adjugée à 8 430 euros le 14 août 2020 par Jean-Pierre Besch à Cannes © Besch Cannes Auction
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