Les dessins anciens ont la cote aux enchères
[Étude réalisée par Interencheres] Le Salon du dessin ouvre ses portes aujourd’hui au Palais Brongniart à Paris. L’occasion de revenir sur un marché dynamique où les collectionneurs n’hésitent pas à pousser les enchères bien au-delà des estimations. En tête, le secteur du dessin ancien affiche une excellente santé, marqué par des enchères millionnaires et de nombreux records enregistrés partout en France ces deux dernières années. Pour décrypter cette nouvelle tendance, Interencheres s’est intéressé aux critères qui régissent ce marché à travers les adjudications marquantes enregistrées par ses commissaires-priseurs adhérents depuis 2016…
Les dessins rares adjugés de plus en plus cher
Les dessins réalisés aux XVIe et XVIIe siècles capitalisent les plus beaux résultats. En tête, une Etude de tête d’homme d’Andrea del Sarto (1486-1530) a pulvérisé son estimation, fixée entre 500 000 et 600 000 euros, pour s’envoler au prix record de 3,2 millions d’euros (3,936 millions d’euros frais compris), le 17 décembre 2016 sous le marteau de Maître Patrice Carrère à Pau. « C’est le dessin ancien le plus cher jamais vendu aux enchères en France, détaille le commissaire-priseur. Ce résultat millionnaire s’explique par son immense rareté. Cet artiste florentin de la Renaissance a énormément dessiné, mais la plupart de ses œuvres ont disparu à sa mort, détruites ou partagées entre ses élèves. Seules 206 œuvres étaient connues jusqu’alors, dont 5 seulement en collections privées. Trouver la sixième était donc un véritable événement. »
Loin d’être un cas isolé, cette adjudication record révèle l’existence d’un marché particulièrement dynamique. « Le dessin connaît un engouement depuis une trentaine d’années, explique Patrick de Bayser, expert en dessin ancien. Et l’on remarque aujourd’hui une évolution pour les dessins rares dont les prix ont tendance à grimper plus encore qu’auparavant. Les enchères de dessins anciens ne sont plus soumises à des cotes comme dans l’art moderne. »
Le marché du dessin ancien est dominé par la présence d’un cercle de collectionneurs avertis internationaux, particulièrement actifs aux Etats-Unis et en Europe, qui se partagent les plus belles pièces. « C’est un marché pointu, composé de fins connaisseurs du dessin, explique Maître Dominique Le Coënt-de Beaulieu. Lorsqu’il y a une pièce phare sur le marché, ils n’hésitent pas et sont particulièrement actifs. »
Une provenance prestigieuse dope les enchères
Récemment, un Portrait de jeune fille de Sir Peter Lely (1618-1680), estimé 15 000 euros, a été adjugé 420 000 euros (520 800 euros frais compris), sous le marteau de Maître Bertrand Couton le 13 juin 2017 à Nantes. « Cet émouvant dessin était vivement disputé en raison de son illustre provenance, explique Maître Bertrand Couton. En effet, il avait figuré dans de nombreuses grandes collections anglaises, acquis à Londres par une Française qui l’avait alors rapporté en Dordogne ». Les dessins provenant d’une collection prestigieuse sont les plus recherchés. Le marché du dessin ancien n’échappe pas aux règles des autres secteurs : la traçabilité rassure les collectionneurs et les encourage à pousser les enchères.
En témoigne également, le récent record mondial remporté par le Portrait d’une dame de qualité de Cornelis Visscher (1629-1658) le 10 décembre 2017 à Senlis. « Cinq enchérisseurs internationaux se sont battus ce dessin sur vélin qui a été adjugé à plus de 20 fois son estimation, pour atteindre 200 000 euros (244 000 euros frais compris), explique Maître Dominique Le Coënt-de Beaulieu. Le précédent record datant de 2016 était de 164 500 euros. Ce succès s’explique par la qualité du dessin, mais surtout par son illustre provenance. Il présentait, en effet, en plus du cachet de la collection Dormeuil, le cachet de la célèbre collection Defer-Dumesnil. Le passage par des collections antérieures prestigieuses signifie que des yeux avertis ont déjà considéré que l’œuvre était particulièrement importante.»
Les qualités esthétiques et la finesse d’exécution priment
« Si la rareté et la provenance ont une véritable influence sur le prix, l’esthétique du dessin prime sur le reste », poursuit Patrick de Bayser. Les collectionneurs se laissent aisément séduire par les qualités esthétiques d’une œuvre, n’hésitant pas à faire flamber les prix. Ainsi, une plume et encre brune de Jacques de Bellange (1575-1616), estimée 20 000 euros, a été adjugée 96 000 euros (119 000 euros frais compris) le 10 novembre 2016 par la maison de ventes Rémy Fournié à Toulouse. « Les collectionneurs étaient subjugués par la grande beauté de l’œuvre, explique Maître Rémy Fournié. Le dessin était très abouti, précis et pourvu de nombreux détails.»
Les études préparatoires à des œuvres définitives sont particulièrement recherchées
Une Etude d’homme nu marchant vers la droite de l’artiste forentin Baccio Della Porta dit Fra Bartolomeo (1472-1517), estimée entre 50 000 et 60 000 euros, a quant à elle été adjugée 86 000 euros (104 060 euros frais compris) par la maison de ventes Vassy & Jalenques le 5 novembre 2016 à Clermont-Ferrand. Le dessin sommeillait depuis deux siècles dans la collection d’un château appartenant à une illustre famille du Puy de Dôme. Les propriétaires ignoraient qu’ils avaient entre leurs mains une œuvre de Fra Bartolomeo. « C’était une étude préparatoire à un cycle peint conservé au Museo Civico de Pistoia en Italie, explique Maître Bernard Vassy. Il était donc d’autant plus intéressant car il constitue un fragment de l’œuvre définitive et permet d’en suivre les étapes successives. » Lorsqu’il s’agit d’une étude préparatoire à une œuvre peinte, le dessin se vend beaucoup plus cher, car la comparaison apporte une certitude supplémentaire à l’attribution.
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