Le 21 juin 2018 | Mis à jour le 1 août 2018

Tendance déco : le rotin fait son grand retour!

par Diane Zorzi

Fauteuil à bascule, miroir soleil, commode et table basse : le mobilier en rotin caractéristique des années 50-60 fait son come-back. Son bois clair et naturel se mêle à tous les styles, pour un intérieur 100 % authentique à l’image de la décoration épurée scandinave, ou se pare de vernis colorés, pour un total look ethnique. Adoptez la tendance avec les nombreuses pièces mises aux enchères chaque semaine

 

Le rotin à travers les âges…

 

Thonet, série de six chaises et un fauteuil en bois courbé teinté noyer clair modèle n° 14, assises en cannage. Etiquette. H. 90 cm. Adjugée 110 euros par Bérard-Péron-Schintgen le 22 juin 2017 à Lyon.

De la jungle asiatique au jardin d’hiver

Le rotin est une plante originaire des jungles tropicales d’Asie du Sud-Est appartenant à la famille des palmiers. Là-bas, profitant d’une alliance d’humidité et de chaleur, elle s’épanouit en une liane grimpante, pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres. Dès le XVIIe siècle, le rotin voyage de l’Asie à l’Europe. A l’état brut, il sert alors de cale pour les marchandises que les colons néerlandais et anglais rapportent d’Extrême-Orient. Les bâtons de rotin sont finalement récupérés, pour profiter d’une nouvelle vie. En Angleterre, puis en France, les premières chaises fabriquées à partir de la technique du cannage apparaissent. Sous la Régence (1715-1723) puis sous Louis XV (1723-1774), les ébénistes utilisent cette technique pour concevoir les assises de leurs fauteuils, chaises, banquettes ou têtes de lit. Au XIXe siècle, des meubles entièrement en rotin voient le jour. En France, la Maison Drucker fabrique ainsi ce qui allait devenir la chaise culte des bistrots parisiens. La célèbre chaise n°14 designée par Michael Thonet (1796-1871) en 1859 est produite jusqu’en 1903 à 45 millions d’exemplaires.

 

La manufacture Perret & Vibert fournit quant à elle les plus grandes demeures françaises et étrangères. Le tissage élégant du rotin séduit les milieux bourgeois de la Belle Epoque (1896-1914) et devient la décoration idéale des jardins d’hiver.

 

Entre tradition et modernité

« Bien souvent, le rotin évoque d’abord le mobilier de jardin », remarque Katy Criton, experte en design et art contemporain. Sa matière résistante lui permet de s’adapter parfaitement aux intempéries et variations de température, au contraire de l’osier, plus fin et cassant. Mais le rotin s’intègre tout aussi harmonieusement aux intérieurs. « Il est léger, souple, maniable, flexible et robuste. ». Sous l’effet de la vapeur, il se courbe et se tord à l’envie. Il offre ainsi un choix infini de formes, qui s’adaptent à chacun des lieux où il s’installe. Et pour ne rien gâcher, une fois refroidi, ce matériau conserve définitivement l’apparence souhaitée. Indéformable, il résiste à tous les coups.

Ces propriétés séduisent jusqu’à l’avant-garde fonctionnaliste des années 1920. Ainsi, Mies van der Rohe (1886-1969) fabrique en 1927 une chaise dotée d’une assise en cannage et d’un piétement moderne fait de tubes d’acier.

Ce mélange de tradition et de modernité s’affirme finalement au lendemain de la guerre, où le rotin envahit désormais les intérieurs, décliné en lit, commode ou miroir. Avec la mode des résidences secondaires, le rotin devient un des matériaux de prédilection. Il permet aux propriétaires d’imaginer une décoration différente de celle de leurs maisons urbaines.

 

[A gauche] Suite de 3 fauteuils corbeille en rotin. Haut. : 80 cm, Larg. : 53 cm, Prof. : 40 cm. Adjugée 130 euros par Dupont & Associés le 25 juillet 2016 à Morlaix. [A droite] Fauteuil à bascule rocking chair en rotin. Haut. : 83 cm, Larg. : 56 cm, Prof. : 55 cm. Adjugé 50 euros par Dupont & Associés le 25 juillet 2016 à Morlaix. Miroir circulaire à cadre en rotin en forme de rayons de soleil et entourage de tresses. Travail des années 1950. – H. : 72 cm. Adjugé 80 euros par Cyril Duval le 23 avril 2016 à La Flèche.

Fauteuil type « Emmanuelle » en rotin, années 80. Adjugé 50 euros par Henri Adam le 27 octobre 2016 à Tarbes.

 

Le mobilier culte des années 50

Repris par les plus grands designers, le rotin se modernise au cours des années 1950. « Collette Gueden (1905-2000),  Mathieu Matégot (1910-2001), Jean Royère (1902-1981), Jacques Dumond (1906-1988) ou Joseph-André Motte (1925-2013) apprécient ce matériau souple et solide qui ne nécessite pas une technique trop coûteuse. » Ils donnent vie aux pièces les plus emblématiques, du fameux fauteuil « Citron » de Janine Abraham et Dirk Jan Rol, au fauteuil « Tripode » de Joseph-André Motte, en passant par le fameux miroir soleil. 

En 1974, le rotin est la vedette du film érotique Emmanuelle. Sur l’affiche du long-métrage, l’actrice principale Sylvia Kristel se prélasse, dénudée, sur un siège en rotin au dos en forme de paon, surnommé depuis le fauteuil « Emmanuelle ». Jusqu’aux années 1980, le rotin intègre en masse les intérieurs grâce à une production industrielle de pièces standardisées. Avec les courants hippies, il s’impose comme un incontournable de la décoration seventies, avant de devenir, quelques années plus tard, un symbole du kitsch et du ringard.

 

 

 

 

 

La tendance déco bohème

Aujourd’hui, ces meubles réintègrent en force nos intérieurs. « Les pièces authentiques des années 1950, travaillées de façon artisanale et tirées à très peu d’exemplaires, atteignent désormais des prix importants, explique Katy Criton. Le rotin correspond bien au goût de notre époque pour l’artisanat et le savoir-faire. Il séduit par son côté naturel et envahit les magazines. »

Avec ses chaises à bascule et fauteuils aux allures végétales, le rotin offre l’illusion d’espaces illimités, ouverts sur l’extérieur et la nature. Propice à la relaxation, il s’accorde ainsi pleinement aux préoccupations actuelles tournées vers un design plus écologique – le slow-design. Cette approche, soucieuse du développement durable et caractéristique des années 2000, vise à privilégier des matériaux naturels et valorise l’artisanat et les techniques traditionnelles. En avril dernier, IKEA a d’ailleurs consacré au slow-design sa toute nouvelle collection « Stockholm » où il allie l’authenticité du rotin à la précision industrielle.

La tendance pour le rotin n’est donc plus à prouver… Pour s’y mettre, les enchères sont le moyen idéal. Elles proposent un large choix de pièces d’époque ou récentes, travaillées en série limitée ou en masse, à tous les prix, de quelques dizaines à plusieurs milliers d’euros.

 

 

Combien coûte le mobilier en rotin

aux enchères ?

 

« Les pièces en rotin créées en série limitée par les designers les plus célèbres peuvent se vendre à plusieurs dizaines de milliers d’euros. Les meubles plus modestes conçus pour la grande production se vendent quant à eux à des prix plus abordables. Il faut alors compter en moyenne 70 euros pour un fauteuil en rotin d’époque (années 50 à 80), produit en série et travaillé mécaniquement. Ces pièces authentiques et produites en masse se vendent bien et séduisent particulièrement les parisiens. Il existe une vraie demande. Le rotin est un matériau naturel dans l’air du temps. Le prix de son mobilier suit en quelque sorte la courbe du vintage ! » 

 

Maître Gérald Richard, commissaire-priseur à Villefranche-sur-Saône

 

Sélection de pièces de designers adjugées récemment

 

Janine Abraham et Dirk Jan Rol (nés en 1929), Fauteuil modèle « Citron », édition Rougier. Structure en rotin, piétement en métal laqué noir, galette en mousse housse grise. H. 73 cm L. 108 cm P. 60 cm. Adjugé 1 600 euros par De Baecque et Associés le 6 juillet 2017 à Lyon.

1 600 euros pour un fauteuil « Citron »

 

Janine Abraham et Dirk Jan Rol ont fait les beaux jours du rotin. Aujourd’hui, ils n’en finissent pas de séduire les acheteurs avec leurs fauteuils « Citron », « Corolle » ou « Soleil » qu’ils réalisent à la fin des années 1950 en collaboration avec l’éditeur Rougier, spécialiste du rotin.

« L’intérêt actuel du marché français pour le mobilier de ce couple de designers-architectes s’explique notamment par les divers évènements qui leur ont été consacrés ces derniers mois. En effet, la galerie Pascal Cuisinier a présenté leur travail à Paris en mars, à l’occasion de la publication d’une monographie de Patrick Favardin aux éditions Norma », remarque Maître Etienne de Baecque, qui a adjugé le 6 juillet un modèle « Citron » (photo ci-contre) à 1 600 euros.

Avec ce fauteuil, les deux designers tirent parti de la grande souplesse du rotin pour créer des formes complexes et atypiques, qu’ils associent à un piétement sobre en fer laqué noir. Ils revisitent ainsi le classique siège en rotin en alliant harmonieusement l’originalité à l’élégance. Éditées en pièce unique ou en série limitée, leurs œuvres peuvent se vendre aux enchères à quelques dizaines de milliers d’euros.

 

Joseph-André Motte, « Tripode », 1949. Fauteuil en moelle de rotin tissé, piétement tripode en bois et acier. Edité par Rougier. Adjugé 8 600 euros par par Jézéquel le 17 octobre 2016 à Rennes.

8 600 euros pour une coque tout confort

 

Ce fauteuil « Tripode », édité par Rougier en 1949 et exposé au Salon des Arts Ménagers de 1953, a été adjugé 8 600 euros par Maître Carole Jézéquel le 17 octobre 2016 à Rennes, un résultat qui témoigne du goût particulièrement prononcé ces dernières années pour le rotin tissé.

C’est avec ce modèle que  Joseph-André Motte a connu réellement le succès. A partir du matériau traditionnel qu’est le rotin, ce designer de l’élégance française, soucieux d’inventer des meubles adaptables aux nécessités de la vie quotidienne, travailla à une pièce moderne, simplifiée à l’extrême, dont la forme ergonomique en coque s’adapte à tous les corps.

 

 

 

 

 

Sélections de pièces adjugées à moins de 500 euros

 

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