Picard, l’orfèvre rafraîchissant
Samedi 21 juin à Clermont-Ferrand, Maîtres Bernard Vassy et Philippe Jalenques proposeront aux enchères une rare paire de seaux rafraichissoirs en argent réalisés sous le règne de Louis XIV par un orfèvre aussi doué que méconnu : Jean-André Picart.
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À l’époque du Roi Soleil, l’argenterie reflète les mœurs distinguées de la Cour. Dans le service à la française, il est coutume de garder les bouteilles de vin au frais dans les seaux posés à l’écart de la table. Le protocole très codifié de l’art de manger demande aux valets d‘apporter les verres aux hôtes. Pièces de service autant que d’apparat, les seaux en argent peuvent être de véritables chefs d’œuvre à l’histoire parfois oubliée…
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Jean-André Picart a réalisé des pièces restées dans l’ombre des grands maitres orfèvres. Pour autant, Emeric Portier, expert au sein du cabinet Serret-Portier, réhabilite l’orfèvre : « Lorsqu’on parle d’orfèvrerie, il est souvent question de Thomas Germain, du service Penthièvre. Il a fallu chercher dans des ouvrages peu courants pour retrouver la trace de Jean-André Picart. Cet orfèvre, dont nous n’avions encore jamais eu de pièces entre les mains, a pu produire de très beaux services. Peut-être sont-ils passés en vente sans que son nom ne fût précisé. »
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Le poinçon de Jean-André Picart se reconnaît aux initiales J.A.P. surmontées d’une fleur de lys couronnée et de deux grains. S’il a fallu feuilleter l’ouvrage de Michèle Bimbenet-Privat, Les orfèvres et l’orfèvrerie de Paris au XVIIe siècle, pour identifier l’orfèvre, les autres poinçons figurant sur les seaux n’ont pas eu de secret pour l’expert : « Les deux L croisés surmontés d’une couronne n’indiquent pas une destination royale. C’est un poinçon de décharge appliqué lors du dépôt de garantie, une fois la pièce terminée, qui a été établi dans les années 1712-1714. Le A indique que la pièce a été réalisée à Paris. »
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En revanche, il est impossible de retrouver le nom des propriétaires de ces seaux. Les écussons que tiennent les personnages sur les flancs des seaux ont été dégravés. Dorénavant polis, ils encadraient jadis les armoiries des familles propriétaires. « C’est un cas assez fréquent sur les pièces du XVIIIe siècle. Lorsque les premiers propriétaires mettaient en vente leurs biens, ils faisaient dégraver leur armoiries », énonce Maître Jalenques. Emeric Portier précise cet usage : « Cela évitait une traçabilité de la vente, embarrassante lorsque la famille devait se séparer de la pièce à cause de problèmes financiers. »
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Le cartouche est ainsi libre à qui voudra s’approprier les seaux. Ceux-ci ont appartenu dernièrement à quatre générations d’une même famille auvergnate. La rareté des pièces de Jean-André Picart sur le marché n’a pas encore permis d’établir de cote de ses œuvres. « Nous y allons à peu à l’aveuglette », avoue Emeric Portier. « Néanmoins, nous avons trouvé des seaux similaires au musée du Louvre et nous nous sommes aidés de modèles passés en vente dans les grandes salles de ventes en Angleterre. Mis à part que les seaux de l’école anglaise sont en cylindre et non à pans octogonaux comme les nôtres. »
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Les seaux de Jean-André Picart respectent parfaitement les principes artistiques de l’époque Louis XIV, et notamment la rigueur propre à la fin de son règne pieux. Tout le vocabulaire esthétique est présent : fonds losangé à fleurettes, raies de cœur, mascarons… Ce chef d’œuvre est estimé entre 80 000 et 100 000 euros. Il sera mis aux enchères le samedi 21 juin par Maîtres Vassy et Jalencques à Clermont-Ferrand et en direct sur le Live d’Interencheres.
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Lien vers l’annonce de cette vente aux enchères