Voyager avec chic
[Le lot du jour] Une boite à savon, un bougeoir à main, un passe-thé, un légumier et son couvercle, une paire de flambeaux de toilette, un sucrier rond : la liste serait longue pour dresser l’inventaire des 36 objets contenus dans cet exceptionnel nécessaire de voyage. Cet ensemble recèle des pièces de toilette, de table et d’écriture majoritairement en argent ainsi que quelques éléments en porcelaine de Clignancourt, des flacons en cristal taillé et des étuis oblongs en bois de rose. Maître Sandrine Dupont présentera ce coffret de voyage complet daté de 1777-1778 estimé entre 50 000 et 60 0000 euros lors de la vacation du lundi 3 août 2015 à l’hôtel des ventes de Morlaix.
Ce genre de nécessaire apparaît au XVIIe siècle à destination des classes les plus aisées. Les voyages des membres de la Cour, qui suivent le Roi dans ses déplacements, se développent. De concert, la haute bourgeoisie y prend goût. L’objectif est alors de conserver, hors de chez eux, le confort et le luxe auxquels ils sont accoutumés. Pour supporter le périple, les ustensiles nécessaires sont ici adroitement, habilement et astucieusement agencés dans leur coffret d’origine en noyer, gainé de soie et pourvu d’un tiroir latéral permettant l’accès au nécessaire d’écriture. Le prestige et le raffinement de ces objets les destinent souvent à être offerts en cadeaux à l’occasion d’un mariage ou comme gratification après un service rendu.
La facture d’origine minutieusement conservée dans le coffret nous renseigne davantage sur l’origine et les circonstances de sa constitution. Il s’agit d’une commande de Pierre-François Rigal, marchand-orfèvre et propriétaire de l’enseigne « A la tête noire » située quai des Orfèvres à Paris. Il aurait sollicité plusieurs maitres orfèvres parisiens, tels Charles-Louis-Auguste Spriman et Jean-Louis Dieudonné Outrebon, pour réaliser certaines pièces dans l’intention de les rassembler par la suite dans un unique coffret et de le vendre avec une nette plus-value. Ce nécessaire correspond à un modèle particulier puisque l’ensemble des pièces est orné d’un décor de filets d’oves et d’entrelacs. Sur la facture est indiqué le prix payé par Rigal pour l’ensemble, soit 1 800 livres. Cependant, il ne s’agit ici que du coût d’achat des différentes pièces, et non du prix de vente qui lui reste inconnu. A titre de comparaison, un ouvrier de l’époque gagnait péniblement une livre par semaine. C’est le travail conjugué de plusieurs maitres artisans – orfèvre, gainier, porcelainier, miroitier – qui donne à cet objet le faste et la splendeur du travail d’antan.
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Selon Maître Dupont, ces nécessaires constituent aussi une invitation au voyage dans le raffinement des siècles passés, « à l’époque où voyager loin était une aventure, voyager longtemps était un état d’esprit, voyager dans de bonnes conditions exprimait un art de vivre ».
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